TROISIEME PARTIE

 

LES ECRIVAINS DITS "INDIFFERENTS"

 

CHAPITRE PREMIER

 

INTRODUCTION

 

 

 

            I - Définition des écrivains dits "Indifférents". Valeur inappréciable de leurs témoignages.

            II - La science philosophique affirme que toute religion doit posséder un culte. A. COMTE et E. BOUTROUX.

            III - Traits principaux du culte de l'humanité d'A. COMTE.

            IV - Si une religion ne possédait aucun culte, il faudrait le lui inventer. Signification des cérémonies religieuses dans les oeuvres des écrivains dits "Indifférents".

            V - Division du sujet immense en quatre cycles distincts.

 

"La religion tend à réaliser entre eux (tous les hommes) un lien d'amour comme soutien, comme principe du lien matériel. En ce sens, elle conserve précieusement les rites qui transmis par tant de siècles et de peuples sont des symboles incomparables de la perpétuité et de l'ampleur de la famille humaine."

BOUTROUX, Science et religion dans la Philosophie contemporaine, p.340.

 

            I - Toute l'enfilade d'écrivains que nous avons passé en revue le long de notre étude a été dominée par une idée générale. Ils ont tous pensé à la Liturgie. Les uns l'admiraient et se constituaient en ses défenseurs, tandis que les autres l'estimaient contraire au véritable esprit de la foi religieuse. Ce n'est pas notre tâche de porter un jugement sur leurs opinions. Il est pourtant de toute évidence que la Liturgie jouait et joue encore un rôle indéniable dans la vie nationale de la France et qu'elle exerce un empire considérable sur les classes cultivées à cause de sa valeur à la fois esthétique et doctrinale.

 

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            Il existe pourtant un nombre assez considérable d'écrivains pour qui le problème religieux était comme dénué de tout intérêt particulier. S'ils en parlaient dans leurs oeuvres, ils le faisaient avec une impassibilité et une indifférence complètes. Ils en parlaient cependant, comme en passant. C'est donc d'eux dont nous allons nous entretenir jusqu'à la fin de notre étude. Leurs témoignages nous sont d'autant plus précieux qu'ils sortent pour la plupart de la plume de ceux qui n'ont aucun intérêt à exagérer ou à diminuer son influence. Chacun d'entre eux en a donné ses considérations dans la mesure où son don d'observation a été développé.

 

            II - Nous avons mis en tête de ce chapitre l'épigraphe extrait du livre d'un des maîtres de la pensée française contemporaine. L'avis d'un savant en matière philosophique tel que fut BOUTROUX nous paraît correspondre le mieux à ce courant qui nous fournit les simples faits sans leur ajouter ses commentaires; il importe peu que ces écrivains soient favorables ou opposés de parti pris aux manifestations liturgiques, BOUTROUX affirme catégoriquement qu'aucune religion ne peut se passer d'un ensemble de rites fixés. AUGUSTE COMTE même, l'initiateur de la philosophie positiviste, nous en donne un exemple frappant. On ne nous tiendra pas rigueur si nous nous arrêtons un peu sur ce philosophe intéressant d'ailleurs sous plusieurs aspects.

 

            III - En voulant instituer la religion de l'"HUMANITE", COMTE fut logiquement amené à fixer les règles principales de son culte. Il y distingue le culte privé du culte officiel. On vénérerait l'Humanité dans celui-là par l'intermédiaire de plusieurs femmes vivantes ou décédées qui devraient la représenter d'une manière digne et honorable. Les trois anges gardiens de tout homme, seraient sa mère, sa femme et sa fille. A défaut de l'une d'entre elles, on pourrait choisir comme ange gardien une personnalité historique.

            COMTE distingue ensuite deux sortes de prières : "la commémoration" et "l'effusion". Chaque homme devrait prier oralement à peu près deux heures par jour, et les textes pourraient être extraits des oeuvres des poètes les plus grands.

            L'année liturgique aurait quatre vingt quatre fêtes instituées en l'honneur des divers liens familiaux ou sociaux qui maintiennent les relations entre les hommes. Les sacrements au nombre de neuf seraient en rapport avec la naissance, le commencement de l'éducation, le mariage...

 

            IV - Tous ces détails inspirés d'ailleurs par la Liturgie catholique sont à même de prouver que les cérémonies du culte constituent une nécessité pour chaque religion et qu'il faudrait les inventer, comme ce fut le cas d'A. COMTE, si elles n'existaient pas. Les écrivains dont nous allons parler ensuite ne nous fourniront donc qu'un document, quoique incomplet mais pourtant très significatif sur la place importante qu'occupe la Liturgie dans la vie française.

 

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Il nous prouvera, d'après ce que nous venons d'énoncer qu'on doit nécessairement rencontrer dans ces milieux des manifestations liturgiques où la foi religieuse est encore vivante, ou si elle a déjà disparue, ses cérémonies peuvent figurer à titre de vestiges d'une vie spirituelle, autrefois vivante mais ensuite perdue (DUMAS FILS, DAUDET...).

 

            V - Nous allons grouper l'étude des écrivains dits "Indifférents" autour des quatre cycles que voici: cycle de BALZAC, de FLAUBERT, des Romanciers contemporains et enfin le cycle des Poètes lyriques. Si ces cycles ne peuvent pas englober tout l'ensemble du sujet, les oeuvres dont nous allons nous entretenir vont au moins nous servir de cas-spécimen pour ce reste qui pourrait risquer de nous embrouiller par ses innombrables détails. Si nous voulions extraire des exemples liturgiques de cette immense multitude d'écrivains français dont il faudrait traiter dans cette partie de notre étude, nous courrions le grand danger de travailler au préjudice de cette clarté tant désirée pour tout travail scientifique.