CHAPITRE XI

ARMAND PRAVIEL

 

 

            I - Le Péché d' Aveugle est l'histoire d'un organiste aveugle épris d'une religieuse et consolé par la Liturgie. Les analyses liturgiques y sont nombreuses.

            II - Son roman a subi l'influence de HUYSMANS.

            III - Il pourrait servir de commentaires à certaines cérémonies.

            IV - Les appréciations liturgiques de A. PRAVIEL ne sont pas très originales. La vie intérieure du héros s'adapte au cycle de l'année liturgique.

            V - Le roman est un document de plus de l'influence liturgique, qui a atteint vers 1904 son point culminant. Caractéristique du recueil Cantique des Saisons.

 

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            I - Cet écrivain toulousain a remporté en 1904 un grand succès avec son roman liturgique Péché d'Aveugle. C'est l'histoire d'un organiste aveugle qui est consolé par la musique et les textes liturgiques. Son péché consiste en s'être épris d'une religieuse qu'il écoutait jouer de l'orgue. Le sujet du roman est donc extrêmement précaire. Par contre, les analyses liturgiques prennent le pas sur tout le reste, au point même que le sujet semble avoir servi à cet écrivain de prétexte pour nous entretenir de sujets liturgiques.

 

            II - Ceux-ci ne sont pas trop originaux. L'influence de HUYSMANS est incontestable: A. PRAVIEL compare certains offices aux gemmes (a), parle du "roucoulement" des religieuses (p.85), critique sévèrement de ce qu’on chante de morceaux d’operas dans les églises catholiques.” (b)

            Dans les nombreuses causeries liturgiques (p.81 et p.83-84), il s'enthousiasme pour la force talismanique des textes sacrés (p.222), pour le latin comme langue universelle (p.90). Enfin les multiples explications techniques (p.25) rappellent à notre mémoire tout spontanément les oeuvres de HUYSMANS.

 

(a) "Des cinq gemmes qui ornent la couronnes des vêpres...", p.18. Le Magnificat "est bien le diamant très pur qui domine la couronne des vêpres..., p.35

(b) p.37-125. Les autres passages sont dirigés contre l'indifférence liturgique des gens ordinaires, p.22 et 25, contre quelques morceaux liturgiques (p.18) contre les cantiques (p.104-105) et contre ce beuglement de psaumes (p.15) qui n'a pas cessé de désespérer Huysmans

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            III - Ce roman pourrait de même servir de commentaire à qui s'intéresse à la signification des cérémonies suivantes: Vêpres (p.14-24; 39; 236-237), Complies (p.215-221), Office de la Pentecôte (p.13-14; 38 avec des notes historiques; p.14), Noël (p.150-177), Vendredi (p.248-260) et Samedi Saint (p.265-270; 275-297).L'on y trouve encore quelques commentaires d'autres sujets liturgiques. (a)

 

            IV - Les appréciations personnelles ne sont pas très fréquentes dans son roman. Voilà quelques unes qui sont d'un caractère purement stylistique:

            "Ces versets (du psaume Beatus vir) semblent chacun une palme tendue dans un geste de triomphe..." (p.20). Ou bien :

            ".... Ses rêves" (pendant le chant du Veni Creator) comme des oiseaux timides, hésitaient devant les horizons sans limites des mers inexplorées du Divin" (p.33).

            La composition technique du roman Péché d'Aveugle est assez ingénieuse: le sujet se déroule le long de l'année liturgique qui est divisée toute entière en quatre parties :

            De Pâques à la Trinité (Ch. I), de la Trinité à l'Avent (Ch. II), de l'Avent à la Purification (Ch. III) et de la Purification à Pâques (Ch. IV).

            Le héros aveugle s'enthousiasme et souffre avec la Liturgie. Elle exprime ses sentiments, et il adapte sa vie intérieure à ses exigences:

            "Sa vie était... entièrement remplie par l'art et par l'art intimement unie à la Liturgie." (p.6)

            Nous pourrions de même prétendre que sa mort a été conforme aux règles liturgiques. Après avoir souffert pendant la Semaine de la Passion et ainsi expié son pêché, il meurt quand l'office entonne les premiers alléluias joyeux de la Résurrection. Mais il ne les accompagne plus sur terre.

 

                        V - Ce roman est donc un document intéressant. Il nous montre que l'apogée de l'influence liturgique sur les écrivains français a en effet atteint son point culminant à l'époque de l'Oblat. Quelques années plus tard cet écrivain a fait paraître le Cantique des Saisons "où il fait resplendir devant nous toute l'année liturgique avec de précieuses rimes d'hymnaires" (b) C'est la même espèce de recueils que nous verrons de plus près en analysant la Corona Anni Dei Benignitatis de PAUL CLAUDEL.

 

(a) Magnificat (p.38,86), Pangue lingua (p.233-235), Parce Domine pp.84-86; Ps 110 (p.18), Ps 111 (p.19), Ps 113 [p.26], Salut [p.81;89;96] Semaine Sainte (p.227-229), Stabat (p.107, p.242-244), Tantum ergo (p.86-88), Venie Créator (p.29, p.30-32; son histoire!)

(b) R. Vallery Radot, Anthologie p.338