CHAPITRE XXIV

ERNEST HELLO

(1828-1895)

            I - ERNEST HELLO fait de la Liturgie, à l'instar de J. DE MAISTRE l'objet de ses considérations philosophiques. Les Physionomies des Saints se rattachent au Cycle Sanctoral.

            II  La Liturgie lui dévoile un des caractères les plus essentiels de l'Eglise: le calme.

            III - Le propre de ses méditations à la fois minutieuses et pénétrantes.

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            I - D'abord journaliste comme LOUIS VEUILLOT, puis philosophe avec une sorte "d'élévation vertigineuse, et des illuminations de génie" (a) ERNEST HELLO faisait de la Liturgie, à l'instar de J. DE MAISTRE, l'objet de ses considérations philosophiques. (b)

            Tandis que le cycle sanctoral lui fournit la matière pour son livre intitutlé "les Physionomies des Saints"  ses "Paroles de Dieu" ressemblent à des psaumes (STROWSKI, ibid).

            II - Les considérations de ce philosophe religieux, portent en grand nombre de cas sur le caractère de l'Eglise. Pour trouver des renseignements exacts sur l'attitude de l'Eglise à travers les générations humaines, il ne sait mieux faire que de recourir à la Liturgie. Il y procède à la manière de LOUIS VEUILLOT avec cette différence que la curiosité de celui-ci est d'ordre politique tandis que HELLO y puise des renseignements philosophiques. Voici donc à quelles conclusions aboutit ce penseur :

            "Un des caractères de l'Eglise catholique, c'est son invincible calme. Ce calme n'est pas la froideur... Au milieu des tonnerres et des canons, elle célèbre l'invincible gloire des Pacifiques, et elle la célèbre en la chantant. Les montagnes du monde peuvent s'écrouler les unes sur les autres.

(a) STROWSKI, p.4O1 dans la Vie catholique dans la France contemporaine

(b) Comp. le caractère de David et l'universalité. Il parle en lui et exprime successivement tous les sentiments de l'homme - Paroles de Dieu, p.186; Les soirées de St. Petersbourg; p.55-77 et TAINE,Philosophie de l'art, II,p.266

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            Si c'est ce jour-là, la fête d'une petite bergère, de Sainte Germaine par exemple, elle célébrera la petite bergère avec le calme immuable qui lui vient de l'Eternité. Quelque bruit que fassent autour d'elle les peuples et les rois, elle n'oubliera pas un de ses pauvres, un des ses mendiants, un des ses martyrs. Pendant que les tonnerres grondent, elle remontera le cours des siècles pour célébrer la gloire immortelle de quelque jeune fille inconnue pendant sa vie, et morte il y a plus de mille ans.

            C'est en vain que le monde s'écroule. L'Eglise compte ses jours par ses fêtes. Elle n'oubliera pas un de ses vieillards, pas un de ses enfants, pas une de ses vierges, pas un de ses solitaires. Vous la maudissez, Elle chante. Rien n'endormira et rien n'épouvantera son indicible mémoire"(Physionomies des Saints, p.9-10).

            III - Le cycle de l'année ecclésiastique éveille en lui des considérations philosophiques tout à fait générales. Dans ses autres oeuvres, nous voyons HELLO s'arrêter davantage aux textes eux-mêmes. En les tournant de tous les côtés, il s'efforce d'épuiser leur sens. Comme ces analyses d'ailleurs très belles ne sont pas strictement du ressort de la littérature, nous n'en transcrirons qu'un seul exemple:

            "Cette illustre lamentation" (DE JEREMIE) "puise dans la répétition de la même plainte une solennité singulière. Cette profusion de larmes ressemble à l'Océan. La mer et le ciel se touchent à l'horizon pour se confondre. Comme les eaux de l'Océan, les larmes de Jérémie peuvent remplir les regards sans les fatiguer. On pourrait croire que cette nappe d'eau profonde produit, par sa grandeur, la monotonie. Le contraire arrive. Les eaux de l'Océan et les larmes de Jérémie ont le secret de rajeunir comme les ailes de l'aigle, et leur seconde jeunesse vient de leur profondeur.

            C'est une jeunesse qui sort de l'abîme, enivrée de sels et de parfums. Et ces parfums sont fortifiants. Ce qui sort des lamentations de Jérémie, c'est l'espérance, car elles viennent de Dieu: il y a des lueurs de Gloire dans la profondeur de ces désolations" (Paroles de Dieu, p.352-353).

            C'est cette espèce de méditation pénétrante et profonde qu'a goûtée LEON BLOY (Femme pauvre, p.377-388) et qui assigne à ERNEST HELLO une des premières places parmi les écrivains mystiques du XIXème siècle. (59)