CHAPITRE XXVII

 

LES TEMOIGNAGES DES CONVERTIS

 

 

            I - Ce chapitre éclaire les points de contact qui retiene la Liturgie à ce phénomène de la conversion qui se manifeste souvent parmi les écrivains français. Les témoignages de quelques convertis étrangers font foi de l'impétuosité du courant liturgique qui traverse la France.

            II - Les convertis élevés dans un milieu catholique ont toujours éprouvé de la sympathie pour le culte, tandis que ceux qui ont vécu dans la sphère protestante n'étaient pas sensibles pour ses beautés. CHARLES DE BORDEV se rattache à l'auteur du Génie,  RENE SALOME.

            III - Les Protestants  ANDRE DE BAVIER. Sa conversion liturgique. PIERRE DE LESCURE,  Melle LEONTINE ZANTA.

            IV - L'inspiration liturgique d'ERNEST PSICHARI.

            V - Quelques écrivains et artistes de l'Etranger ont subi à la fois l'influence des littérateurs liturgiques et des cérémonies religieuses du peuple français. Le R.P. WILIBRORD VERKADE O.S.B.

            VI - Le Danois JOHANNES JOERGENSEN.
            VII - L'écrivain hollandais VAN DER MEER DE WALCHEREN. Il exalte la chapelle des bénédictines de la rue Monsieur. Ses considérations sur l'esthétique de la Liturgie dépassent souvent celles de HUYSMANS.

            VIII - Conclusion.

 

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            I - On s'étonne peut-être que nous ayons pris la peine de consacrer un chapitre indépendant aux témoignages des convertis. Une des raisons qui justifieraient cet étonnement serait sans doute le grand nombre de convertis dont nous avons déjà parlé à maintes reprises le long de notre étude. Il existe cependant une raison grave qui nous pousse à aborder ce sujet tout indépendamment: nous devons signaler les points de contact les plus significatifs qui relient la Liturgie au phénomène de la conversion. Cela fait, nous aurons une vue d'ensemble très complète sur ces rapports dont nous n’avons parlé qu'accidentellement au cours de nos analyses.

 

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            Quelques uns entre les hommes dont nous allons parler ne sont pas même des écrivains proprement dit: le récit de leur conversion éclaire cependant d'une manière lumineuse ces motifs qui ont poussé les littérateurs convertis à affectionner la Liturgie. Tous les faits énoncés seront encore étayés par le témoignage de quelques écrivains étrangers dont les oeuvres prouvent magistralement la véhémence du courant liturgique qui emporte presque tout artiste au premier contact du sol français. Les documents les plus importants concernent les relations entre la Liturgie et les conversions, nous les extrayons du livre du R.P. Th. MAINAGE: Les Témoins du Renouveau catholique (1917) et nous y joignons Le Voyage d'un Centurion (1916) d'ERNEST PSICHARI. Pour ce qui est des étrangers, nous avons choisi comme représentants R.P.W.VERKADE O.S.B. (L'inquiétude à Dieu, 1920) J. JOERGENSEN (Beuron, 1896) et VAN DER MEER DE WALCHEREN (Journal d'un Converti, 1910).

 

            II - Si nous regardons de près quelle est l'attitude des français avant leur conversion, on pourrait presque poser une règle générale en disant que ceux qui ont vécu dans un pays entièrement catholique ont éprouvé de la sympathie pour les splendeurs du culte catholique (COPPEE) tandis que les protestants ou ceux qui ont vécu dans les milieux protestants ont été animé de sentiments tout à fait opposés. C'est ainsi que le compatriote de FRANCIS JAMMES, l'écrivain CH. DE BORDEV avoue, comme CHATEAUBRIAND l'a fait un siècle avant lui, que la Liturgie donne à la vie nationale un charme particulier:

            "Le charme chrétien m'envahissait... Il reste puissant sur nos âmes, si ingrats que nous nous soyons voulu... Comment penser les tombes sans croix, la ville sans église, au dessus d'elle, et la campagne sans cloche?... Noël et ses volées d'allégresse, la joie limpide de Pâques, la Toussaint aux glas impérieux..." (p.85).

            Le critique littéraire et le poète  RENE SALOME affirme la même chose en d'autres termes dans le récit de sa conversion (62):

            "Cependant une tendresse lui demeurait pour les voûtes des cathédrales et les recoins d'ombres des petits sanctuaires, pour les chants et les gestes des offices, pour les murmures d'une prière..." "Il ne cesse de vénérer cette Eglise, où tant de formes, de couleurs, de parfums, de souvenirs favorisaient les yeux de son imagination" (p.94-95).

            "Malgré son adhésion à des doctrines entièrement opposées au christianisme, il lui arrive de s'oublier en quelque pure vision parmi la pénombre d'une église, de suivre des yeux le drame liturgique d'une messe. Mais ce n'était là que jeux d'esthète romantique..." (p.102).

 

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            "Quelques temps après il assiste aux offices du dimanche, lisant la messe, chantant même le Credo" (p.108) et il retrouve enfin "cette Eglise liturgique et mystique" (p.111).

 

            III - La plupart des écrivains français ont éprouvé des sentiments semblables à ceux que nous venons de signaler. C'est une caractéristique de leur race de se laisser enivrer par les beautés extérieures et par les splendeurs des formes tant visibles que spirituelles. Toutefois, pour compléter nos observations, il faut relever la différence notable entre les conceptions liturgiques des écrivains français qui, sortis du sein du protestantisme, ont embrassé les croyances de l'Eglise catholique et ceux qui ont vécu toujours en pays catholique. Le journaliste protestant ANDRE DE BAVIER s'explique ainsi à ce sujet:

            "Comme je ne comprenais rien aux gestes et aux attitudes du prêtre, la messe, à laquelle j'avais assisté une ou deux fois, m'avait paru une cérémonie artificielle et quelque peu théâtrale, et je comparais avec orgueil les vaines pompes du catholicisme à notre culte en esprit et en vérité... Le culte me mit mal à l'aise."(p.173-174). (a)

            Mais il change d'opinion après avoir pris connaissance des textes liturgiques. "J'avais acheté un paroissien et j'avais été gagné par la beauté de la Liturgie romaine. Les prières catholiques étaient à la fois plus ardentes et plus tendres que les nôtres. Le Missel romain était un grand hymne d'adoration et d'amour qui ressemblait peu à notre liturgie..."(p.181).

            Cependant, dans tout l'ensemble de la Liturgie, la concordance de tout les arts avec les textes ne s'est pas révélé à lui avant sa visite à la fameuse chapelle des Bénédictines de la rue Monsieur où s'est enfin effectuée sa conversion.

            "Je n'avais pas encore la foi, mais j'assistais souvent à la sainte messe. Les cérémonies que j'avais jugées vides de sens il y a quelques années, prenaient maintenant pour moi une tragique grandeur.... Tous les autres cultes me parurent pauvres lorsque je compris le sens profond du mystère de la messe. Un jour vint où Dieu m'accorda la plus grande grâce de ma vie. Le jour de Pâques 1912, lorsque le prêtre élève l'hostie consacrée,il me fut donné de croire." (p.191 - 192). Son ami Pierre de LESCURE aussi protestant s'est initié dans la même chapelle pendant les offices quotidiens aux mystères du catholicisme.

            "Je suis entré ... en cette chapelle, que fréquentèrent COPPEE et BRUNETIERE, et qui révéla à HUYSMANS par les cantiques de ses moniales, les ampleurs de la théologie catholique. C'est là que j'ai médité l'enseignement des Pères, la sublime épopée du catéchisme de Trente ..." (p.214; v.e. p.210 ).

 

(a)Dans une église anglicane qui a de certaines ressemblances aux offices catholiques.

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            Melle LEONTINE ZANTA, originaire d'Alsace(a), première doctoresse en philosophie, éprouve la même aversion à l'égard de la Liturgie:

            "Je priais plus volontiers dans la nature ou dans ma petite chambre que dans une église, surtout dans une église de dimanche, où la foule compacte me voilait Dieu. Je ne comprenais pas encore ce qu'il y avait de grand, de symbolique, dans cet hommage collectif rendu à Dieu par la grande famille des croyants, pieusement et fraternellement agenouillés dans la Maison du Père"( p. 161 ).     

            IV - Nous joignons encore à la liste de ces convertis le nom d'ERNEST PSICHARI dont le Voyage d'un centurion renferme de nombreuses traces liturgiques. Elles ne se rattachent pas à des cérémonies pompeuses - son ouvrage ayant germé en Afrique pendant son expédition contre les peuples indigènes - mais elle portent de nombreuses allusions à des textes liturgiques.(61)  Certains endroits, sans être directement inspiré par les textes eux - mêmes sont animés d'un souffle vraiment liturgique. PSICHARI a ce don d'écrire des choses qui ressemblent beaucoup aux psaumes ou à d'autres poèmes de l'Eglise. Faute de place, nous n'allons citer que deux petits exemples:

            " Je suis content, ô terre, de me retrouver parmi toi. Qu'il est beau de baigner dans la vie, et d'être parmi elle, comme la barque sur un fleuve débordé lutte contre le courant et chante! Qu'il est beau, le ciel, vu du rivage de la terre. O grâce mystérieuse de la vie, je te bénis, ô source profonde, ô principe essentiel, je te loue, je t'exalte et te loue..." ( p.175 ).

            Ou bien :

            “Ah!  heureux et bienheureux ceux qui, par la grâce des sacrements ont pénétré dans les jardins de l'intelligence surnaturelle, heureux et bienheureux ceux qui reposent dans le coeur de leur Dieu et qui se réchauffe à sa vivante chaleur, heureux à jamais ceux pour qui tout le ciel est dans la petite hostie, à la contenance de Jésus-Christ...!" (p.221).

 

            V - Les trois écrivains étrangers qui ont subi entre plusieurs autres l'influence du mouvement liturgique français et dont nous allons parler ne fournissent qu'une nouvelle preuve pour tous les arguments multiples énoncés jusqu'à présent. Les esprits épris de beauté, de quelque nationalité qu'ils soient, découvrent dans la Liturgie une source intarissable de certitude doctrinale et d'inspiration poétique.

            Les écrivains liturgiques tels que BLOY et HUYSMANS, pour ne pas parler de DOM GUERANGER dont les oeuvres ont été bientôt traduites, ont exercé une attraction séductrice sur les écrivains de l'étranger. Le souffle poétique qui se dégage même des simples cérémonies que ce soit à Paris ou au village, a frappé d'admiration tout ces étrangers qui ont eu le bonheur de toucher le sol de France.

 

(a) Ses ouvrages furent publiés en deux volumes: La renaissance du Stoïcisme au XVIème siècle [Champion 1914]. La traduction française du manuel d'Epictète d'André de Rivandeau au XVIème siècle (ibid.)

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            Ce fut le cas du peintre hollandais WILIBRORD VERKADE, qui en assistant aux Ténèbres dans l'église de Notre-Dame de Paris se sentit profondément touché (p.22-23 et 47). Après avoir lu A Rebours de HUYSMANS où les allusions à la littérature de la latinité décadente l'ont intéressé dans un degré éminent (p.74-75) et au surplis plein d'admiration pour l'admirable piété des Bretons, il s'est converti sous les auspices de la Liturgie:

            "Pour ce qui est de mes souvenirs de Pont-Aven, je dois ajouter les processions solennelles du mois de Marie qui formaient la décoration toute naturelle de ses rues et de ses places. Tous les dimanches, après les Vêpres, tout le monde, enfants, jeunes filles, femmes et hommes processionnaient à travers le village. Affublés de leurs charmants costumes nationaux, ils priaient à haute voix ou chantaient joyeusement des cantiques en suivant la croix et la bannière de Notre-Dame. Pendant que la procession solennelle avançait pieusement, les cloches des églises jetaient à travers l'air leurs sons jubilants... Quoi de plus grand, que quand hommes, femmes et enfants unis d'esprit s'adressent à leur Dieu et lui rendent des louanges? Et ne font-ils pas preuve à l'occasion de chaque procession de l'unanimité et de sociabilité, et de dignité et d'aménité, d'ordre et de rythme; en somme choses très élevées?” (p.117-118).      E. BAUMANN exprime des idées semblables dans son Fer sur l'Enclume, p.293-294. La description d'une Messe bretonne qui se trouve dans le même livre est aussi un petit chef d'oeuvre :

            "O, de quelle manière touchante et belle ne disait-il sa messe. Il était là, debout, enveloppé d'une couronne de couleurs: au-dessus de lui resplendissaient les fenêtres de couleurs variées tandis que devant lui, sur l'autel de chêne se trouvaient les bouquets solennels et les chandeliers luisants avec leurs cierges allumés. Il était là, debout, affublé de son blanc vêtement de prêtre, bordé de ganses d'or, avec les mains pâles élevées en prière, et il paraissait transfiguré... On sonna tout à coup. Tous les hommes tombèrent à genoux..." (p.126-127).

            En lisant cette description d'un étranger, que nous avons pris la peine de traduire de l'allemand, est-il exagéré de prétendre que ce n'est que sur un pareil sol qu'ont pu germer CHATEAUBRIAND et HUYSMANS. Cela prouve que le renouveau liturgique parmi les écrivains français n'est pas un simple jeu de hasard, mais qu'il a sa raison profonde dans l'esprit liturgique de la nation française. Ce milieu inspirateur a donc exercé une influence efficace sur VERKADE :

            "Je m’astreignais à toutes les cérémonies. Dedans” (dans le paroissien) “je trouvais l'explication exacte du rite de la messe... le peuple breton chantait le Kyrie eleison, le Gloria, le Sanctus et l'Agnus Dei en latin... Depuis j'assistais à la messe tous les dimanches et les jours de fête, et je fréquentais assez souvent les vêpres. J'avais après peu de temps appris à chanter tout cela, ce qui causait une joie inexprimable" (p.156).

 

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            Peu après, ce peintre hollandais est entré dans la célèbre abbaye d'Allemagne, Beuron (restaurée en 1863) pour y embrasser la règle de ST-BENOIT. (a)

            VI - Ce second centre, après Solesmes, du renouveau liturgique contemporain attira l'écrivain danois JOERGENSEN, devenu illustre depuis, et inspira son petit livre intitulé Beuron. Mais on y voit que ce biographe de HUYSMANS fait usage des livres liturgiques français, en particulier de ceux de DOM GUERANGER.(b)

 

            VII/ Pourtant le plus intéressant, entre tous les étrangers, est sans doute le Hollandais DE WALCHEREN. Il nous a donné dans son Journal d'un Converti une oeuvre d'une vraie beauté, qui égale souvent par certains côtés les passages les plus brillants des Pensées de PASCAL.

            Cet ami de LEON BLOY a exalté la fameuse chapelle des Bénédictines de la rue Monsieur comme ne le fera peut-être aucun poète après lui. Il y a dépassé même HUYSMANS.

            "Je fus, ce matin, dans la chapelle des Bénédictines de la rue Monsieur. C'est sublime. Ces voix de femmes, seul le plain-chant est exécuté ici, je les entends toujours. Immatérielle est cette musique... Pour la première fois j'ai senti qu'en réalité quelque chose d'ineffable se passait..." (p.181).

            "Noël, j'ai passé la nuit entière dans la chapelle des Bénédictines; j'ai assisté aux Matines, à la Messe de minuit, au Laudes, et plus tard, avant le jour, à la Messe de l'aurore. Je suis encore tout vibrant de la surnaturelle beauté de ces offices. L'extérieur est magnifique, le chant, les paroles, la Messe solennelle servie par trois prêtres. Mais surtout, je suis remué jusqu'au plus profond de mon âme par ce que je sens derrière ce vêtement splendide; chaque geste, chaque mot, chaque acte cache un sens, c'est comme la flamme visible d'un invisible feu, une réalité palpable du mystère, une aperception lointaine des péripéties divines..." (p.185-186). "Cela est au-dessus de toute expression." (Ce passage fut écrit à la même occasion, mais une année plus tard, en 1911).

            “La splendeur terrible des divines paroles et de la musique pénétrait en moi comme une tempête dans une maison vide. Je subissais la glorieuse violence, et mon âme écoutait, comme un enfant écoute une histoire miraculeuse, les yeux grands ouverts, les lèvres tremblantes. L'Eglise est la projection visible de Dieu sur la terre. Lorsque la supérieure nommait en chantant une monotone mélopée, les noms des ancêtres de Jésus, tous ces hommes et toutes ces femmes passant ainsi devant nous en une solennelle procession, j'eus, dans mon exaltation croissante, la compréhension de la Charité. Mon âme montait avec les paroles vers les cimes, l'intérieure tension devint intolérable.

 

(a) V. la description des Vêpres à Beuron, p.260-265 et l'office solennel de la St-Martin dans le même monastère, p.280-293) (b) V.Beuron, p.92-93-106. Les autres explications liturgiques, Tierce avec Messe (p.55-60), Ténèbres, p.87-91 ne sont pas du ressort de notre travail.

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            Alors la prieure chanta les derniers noms de la généalogie: Jacob autem genuit Joseph virum Mariae, de qua natus est Jesus, qui vocatur Christus. Et tout à coup, ce fut comme l'éclatement d'une grande lumière, et la paix, l'immense paix des eaux profondes. Quelle nuit. N'étais-je pas à Béthléem dans l'étable, lorsque naquit l'Enfant..." (p.222-223).

            Ensuite:

            “Nous sommes dans la Semaine de la Passion ...La nuit terrible tombe lentement sur les journées, les ténèbres s'épaississent. Et le roi s'avance sur le rouge manteau de son sang, brisé sous le fardeau"(p. 271 ).

            Puis :

            " Un de ces jours étant dans la chapelle des Bénédictines, je sentais mon coeur battre d'une grande exaltation intérieure. Il m'était évident et inébranlablement certain que Dieu existe." (p.187) “... J'ai assisté, ce matin, dans la chapelle des Bénédictines, à la messe du dimanche de la Passion. Quel symbolisme embrassant, dans le rite et la liturgie de ce jour. La vie de Jésus est le centre des temps; les années évoluent autour d'elle dans une succession perpétuellement réitérative de journées saintes et de fêtes. Je palpe l'éternité." (p.192; V.e. p.207-210).

            Ce qui donne encore à l'oeuvre de ce grand poète une frappe tout à fait spéciale, c'est que WALCHEREN trouve des expressions admirables pour exalter la Liturgie:

            "Cela ne peut être un simple jeu, cette splendeur sacrée ... Quelque part une réalité doit exister dont toutes ces choses sont les signes visibles."(p.110)

            Ou bien :

            " La Liturgie est une sainte magnificence. C'est absurde, je le sens bien, de dire des paroles d'admiration. La beauté est trop évidente de ce culte qui exprime l'inexprimable, la Divinité, et qui fait flamber dans la vie noire la splendeur pure d'une flamme blanche et droite. Que l'art est superficiel et pauvre et qu'il paraît vain auprès de ces chants sublimes, auprès de ces paroles bibliques chantées, auprès de ces saints textes, auprès de ces prières de deuil et de ces paroles d'extrême joie..." (p.194-195). "Ce qui se passe dans l'église pendant l'année liturgique, est l'essentiel, est toute la réalité. Dehors on est aveugle, ébloui par l'illusion"(p.214-215).  “Les paroles et les gestes de la messe, les prières du Bréviaire, toute la sainte Liturgie se précipite vers vous" (vers le Christ) "comme les fleuves vers l'océan"( p.249).  "Par la sainte Liturgie qui bâtit l'année comme une cathédrale d'hymnes  et de prières, de leçons et de psaumes, de fêtes et de douloureux jours commémoratifs, chaque jour a sa valeur propre, sa beauté propre, sa propre signification. Tout se précipite vers Dieu" (p.267).

 

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            Enfin :

            "Avec les données et les renseignements précieux qui abondent dans cet ouvrage" (l'Avent de DOM GUERRANGER) "ainsi que dans les autres volumes où est décrit le cycle des fêtes de l'Eglise, quel magnifique poème pourrait-on écrire sur l'année liturgique, cette cathédrale spirituelle avec les autels des fêtes,avec les colonnes des dimanches, avec les rosaces et les vitraux incendiés des jours saints, avec les beaux portraits des temps liturgiques: l'Avent, le Temps de Noël, le Carême, la Grande Semaine de la Passion, la solennité de Pâques, avec les deux jours de la Nativité et de la Résurrection, avec la chapelle des fêtes de Notre Dame, où tous les égarés et tous les affligés trouvent un refuge. Divine est la beauté de l'année, laquelle est ainsi dans le temps une image de l'éternité où tout est simultané."(p.184-185; V.e. p.188).

            Après avoir admiré ces passages, on convient facilement que les considérations sur l'esthétique  de la Liturgie de ce Hollandais dépassent souvent celles que nous avons admirées à propos de HUYSMANS. DE WALCHEREN s'est imprégné à ce point de l'esprit français que l'on ne ferait tort à personne en lui assignant une des places les plus en vue dans le nombre des admirateurs de Liturgie parmi les écrivains français (a)

 

            VIII - Ce chapitre consacré aux relations entre la Liturgie et les convertis ne rentre que par un côté dans l'ensemble de notre travail. Nous avons voulu y compléter par ces quelques témoignages la grande liste des écrivains convertis dont nous avons parlé le long de notre étude sans avoir eu le loisir de nous arrêter tout en détail sur les motifs - souvent liturgiques - de leur conversion. Aussi avons - nous tâché de relever la raison principale qui explique pourquoi un certain groupe d'écrivains français eprouvait une antipathie ou une aversion à l'égard de la prière officielle de l'Eglise.

            Nous avons vu que l'influence des conceptions liturgiques du protestantisme y avait sa plus grande part. PSICHARI, lui, que nous aurions pu placer dans le chapitre suivant, parmi les guerriers liturgiques, laisse transparaître l’influence de la Liturgie dans son style . Pour étayer nos faits de documents sérieux, il nous a fallu montrer la grande estime que les étrangers témoignaient non seulement aux écrivains français admirateurs de la Liturgie mais aussi au bon sens liturgique du peuple français lui-même. Les VERKADE, JOERGENSEN ou WALCHEREN nous ont rendu d'inoubliables services par leurs confidences; ils nous ont prouvé abondamment que le renouveau liturgique dans les lettres françaises ne possède pas seulement une importance nationale; sa sphère d'influence a dépassé les frontières étroites de la France pour jeter des semences fructifiantes dans les terres étrangères et lointaines.

(a) V.e. p.170-171 (La Toussaint à Saint-Sulplice); p.182 (Sur l'esprit des Bénédictines), p.5; 107;193;284; et la Vie et les arts liturgiques du mois de Mars, 1918.