CONCLUSION

 

 

 

            Arrivés à la fin de cette étude qui embrasse un si vaste sujet, nous devons en extraire les idées générales qui se sont imposées à notre attention dès le commencement du premier chapitre. Il est tout d'abord à remarquer que nous n'avons pas analysé tout l'ensemble des oeuvres que comporte ce sujet. Nous ne nous sommes bornés qu'à celles qui marquent un point saillant dans l'évolution de l'influence liturgique sur les écrivains français.

            Le cadre que nous avons dressé dans cette étude peut servir de guide à une étude plus détaillée du même sujet; les rectifications qu'on apportera par la suite ne changeront rien, c'est notre humble avis, à cette vue d'ensemble que nous avons gagnée en confrontant un si grand nombre d'écrivains et d'oeuvres.

            Nous ne nous sommes pas arrêtés le long de notre étude sur des explications liturgiques que nous considérons connues par le lecteur. La Liturgie constituait à nos yeux le "culte public officiellement organisé par l'Eglise" (HERBERT). Elle est d'après la définition de DOM GUERANGER “la prière considérée à l'Etat social.” Aussi avons-nous inclus dans le domaine de nos considérations toutes ces cérémonies religieuses qui, n'étant pas strictement du ressort de la Liturgie, se laissent pourtant rattacher à elle par certains côtés plus ou moins importants.

            Nous avons prouvé ensuite par de nombreux exemples que la Liturgie fait partie du patrimoine national de la France; elle n'est pas seulement l'éducatrice du goût du peuple français, mais aussi elle lui fournit une doctrine à laquelle il conforme très souvent les actes les plus importants de sa vie. Nous avons apporté plusieurs preuves à l'appui de ces assertions; l'une et non la moins importante à nos yeux nous fut fournie par le grand nombre de parodies liturgiques que nous avons mentionné au cours de notre étude.

            La Liturgie étant l'occupation spéciale de l'ordre bénédictin, et de ses divers rameaux, l'étude que nous avons entreprise n'est donc en grande partie qu'un miroir littéraire de cette influence bénédictine sur le peuple français. Notre travail n'embrassait pas tout l'ensemble de la littérature. Pourtant, avons nous pris à tâche de montrer cette chaîne d'écrivains liturgiques qui ne fut pas interrompue depuis le Moyen-Age.

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            Si le drame médiéval est sorti de la Liturgie, il n'est pas moins vrai de dire que l'influence du culte de l'Eglise se fait sentir encore aujourd'hui dans les Lettres françaises. "Toute notre poésie nationale" disait DOM GUERANGER et nous nous associons très volontiers à son jugement, "nos meurs, nos institutions anciennes, religieuses, civiles sont mêlées aux souvenirs de l'ancienne Liturgie" (Inst. lit., I,p.LXXVII).

            Le renouveau liturgique dans la France contemporaine est en grande partie l'oeuvre de DOM GUERANGER. Il a ramené la France à cette unité romaine qui était ininterrompue depuis Charlemagne jusqu'au XVIIIème siècle. A HUYSMANS revient le mérite d'avoir été un apôtre liturgique dans les milieux intellectuels et artistiques. Il a montré à ses contemporains quel bien-fonds de poésie et de beauté est contenu dans les diverses cérémonies religieuses.

            Cet intérêt vibrant que l'ensemble du peuple français, les intellectuels comme les classes de culture moyenne, prend à la Liturgie, contribue à attirer sur elle l'attention de l'étranger même. Les artistes des pays les plus différents avouent n'avoir pu se soustraire à l'empire de ce renouveau vigoureux; il y en a même qui ont embrassé les croyances du catholicisme par admiration pour ses beautés liturgiques en France.

            En résumé, toutes nos explications accompagnées des multiples exemples qui leurs servaient d'appui s'acheminaient tout droit vers ce but que nous avons annoncé avec l'epigraphe mis en tête de cette étude. Nous espérons qu'elles aient réussi à démontrer “que l'amour des pompes sacrées est profondément enraciné au coeur des Français, et que l'alliance de la foi et de la poésie, qui constitue le fond de la Liturgie catholique, a pour eux un si grand charme, qu'il n'est ni souffrance, ni intérêt politique qu'ils n'oublieraient dans les moments où de si nobles et si profondes émotions traversent leur âmes."(DOM GUERANGER, Institutions liturgiques II, p.585).