Prijevod èlanka na hrvatski:

Les Amitiés catholiques françaises, br. 2. – 15. lipnja 1928., p. 2-5
IVAN MERZ

 

 

Les Amitiés Catholiques Françaises Paris, n. 2., 15. juin 1928, p. 2-5

Yvan Merz

 

En ces jours même où nous rendions hommage, à Paris, à la mémoire de Mgr Joseph Hanus, chanoine de le Métropole de Prague, décédé le 20 avril, un autre deuil, non moins cruel, venait nous frapper: le 10 mai, s'éteignait à Zagreb (Yougoslavie), l'un de nos meilleurs amis et collaborateurs, M. Yvan Merz, professeur de langue et de littérature françaises au Collège archiépiscopal de cette ville. Il n'était âgé que de 31 ans.

         L'état de santé de M. Merz laissait à désirer depuis longtemps. Au cours de l'anée 1927, la grippe l'avait atteint à plusieurs reprises et assez gravement. Le 5 novembre 1927, en effet, il nous écrivait: "Excusez-moi de ne vous répondre que si tardivement: j'ai été de nouveau malade; la troisième maladie, cette année!"

¸        Il devait être repris, quelques mois après  et si malignement qu'il fallut lui faire à la mâchoire une opération, à laquelle succéda une intoxication générale, qui l'emporta, à la stupéfaction de tous.

         Yvan Merz était né le 16 décembre 1896 à Banja Luka, en Bosnie. Il fit ses études secondaires à l'école de cette ville et ce fut son professeur, M. le Dr Marakovic, qui l'initia aux œuvres catholiques, aux quelles il devait vouer sa vie. Inscrit à la Faculté des Lettres de l'Université de Zagreb, il s'y appliqua, avec prédilection, à l'étude des écrivains catholiques. En 1920, le "Seniorat catholique  croate" l'envoya à Paris, avec deux de ses camarades, pour y prendre contact avec les organisations catholiques françaises et y suivre les cours de l'Institut catholique.

         C'est à cette époque qu'il entra en relations avec nous, au moment même où nous commencions à grouper les étudiants catholiques étrangers, nos hôtes, dans les Cercles divers que nous avions fondés pour eux.

         Durant les deux années qu'il passa en France, Yvan Merz fut de toutes nos réunions et s'associa à toutes nos initiatives. Il ne se passait guère de semaines, sans qu'il nous rendit visite et vint causer avec nous. Il se montrait avide de recueillir des renseignements sur tout ce qui touchait à l'activité catholique française, aussi bien religieuse, qu'intellectuelle ou sociale. En même temps, il s'appliquait à nous faire connaître et aimer son cher pays que tant d'entre nous ignoraient encore.

         C'est ainsi, par exemple, qu'il poublia, dans notre Revue, le 15 juin 1921, un bel article sur Mgr Antoine Mahnic, qui fut l'un des rénovateurs de la jeunesse catholique yougoslave, et auquel il avait voué un véritable culte[1]. Ces pages, qui attestent chez leur acteur, qui n'avait encore que 25 ans, une réelle maturité d'esprit, montrent aussi qu'il avait déjà acquis une science approfondie de notre langue. Il la parlait et l'écrivait couramment et fut bientôt à même de présenter, en 1922, à la Faculté des Lettres de l'Université de Zagreb, une thèse qui avait pour sujet: L'influence de la liturgie catholique sur les écrivains français, de Chateaubriand à nos jours. Elle lui valut, avec des éloges mérités, le grade de Docteur ès Lettres, et ne tarda pas à être suivie de sa nomination à la Chaire de langue et de littérature françaises du Collège archiépiscopal de Zagreb. Cette thèse était écrite en langue française et nos lecteurs en ont lu, ici même, en 1924, plusieurs chapitres, ceux en particulier, consacrés par Yvan Merz à l'étude de: La Liturgie catholique dans l’œuvre de Paul Claudel[2].

         Yvan Merz était aussi familiarisé que n'importe lequel d'entre nous avec notre littérature catholique moderne, et il avait, pour l’œuvre de Paul Claudel, en particulier, une vive admiration. On en trouva la preuve, dans ses pages, qui témoignent, à la fois, de son travail consciencieux, de son goût, et surtout de sa tournure d'âme et d'esprit, si fortement portée vers les questions religieuses.

         C'est au cours de l'été de 1922 qu'il se fit lui-même notre introducteur et notre guide dans son pays. Ce n'est pas sans une vive émotion que nous évoquons, dans cet article nécrologique, les souvenirs de ce voyage, qui fut pour nous un vrai voyage d'exploration et de découverte. Pour nous le rendre plus aisé, Yvan Merz avait mis en mouvement tous ses amis; à chaque étape de notre course à travers la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Dalmatie, l'un d'eux nous accueillait et mettait à notre disposition tout son savoir faire et toutes ses relations.

         Durant notre séjour à Zagreb, le professeur Marakovic et lui furent pour nous les hôtes les plus prévenants et les plus empressés. Que d'heures charmantes nous avons consacré ensemble, non seulement à des visites officielles ou à des excursions pittoresques ou aux réceptions amicales qu'ils nous avaient ménagées, mais encore à des causeries plus intimes où se révéla véritablement à nous, dans sa transparente beauté, toute l'âme ardente et enthousiaste d'Yvan Merz.

         Sous des dehors très réservés, sous des allures presque timides, qui étaient voulues par sa modestie et son humilité, il cachait un cœur vibrant et chaud, tout brûlant du plus sincère attachement pour l'Eglise, pour sa patrie et aussi pour la nôtre. Avec quelle curiosité passionnée il nous interrogeait alors sur le passé et sur le présent catholique de notre pays; sachant que nous avions été mêle nous-même aux mouvements de jeunesse qui fleurirent chez nous entre 1900 et 1910, il nous en faisait conter l'histoire, l'écoutant avec une étonnante avidité.

         C'est qu'il poursuivait un grand dessein: celui de travailler à donner à la jeunesse yougoslave catholique une organisation et une formation qui lui permissent d'exercer, autour d'elle, un apostolat religieux et social fécond. Ayant vécu en France, dans les rangs mêmes de la jeunesse catholique française, c'est parmi elle qui' il cherchait des exemples et des modèles. Il nous l'a dit et écrit bien souvent, il ne concevait l'apostolat social que comme le fruit d'une vie intérieure solide, d'une forte éducation du caractère et d'une vraie culture de l'esprit, le tout soutenu par un sens catholique dont le premier signe était, à  ses yeux, l'amour de la Sainte Eglise et la fidélité au Pape.

         Tel était, chez Yvan Merz, le chrétien d'une trempe rarement égalée, chez un aussi jeune homme. En toute vérité, c'est cette valeur chrétienne qui, perfectionnant sa valeur professionnelle, a fait de lui le remarquable professeur qu'il fut, auquel tous ceux qui l'ont vu à l’œuvre ont rendu un unanime hommage. "Merz, nous écrivait le 13 mai, M. Warnier, lecteur à l'Université de Zagreb, qui visitait chaque année ses élèves, Merz était le type du professeur consciencieux, intelligent, serviteur de son pays et de ses amis."

         On jugera, d'ailleurs, de la qualité et du succès de son enseignement, par cette lettre, que nous écrivait, le 30 mai 1927, M. A. Boissier, consul de France à Zagreb, après avoir assisté, avec M. le professeur Warnier, sur l'invitation de Mgr le Directeur du Collège archiépiscopal, à l'examen de fin d'année des cours de français confiés à Yvan Merz.

         "Cet enseignement, nous mandait M. Boissier, a été inauguré, il y a huit ans, avec une seule classe. Il se développe, maintenant sur un cycle de huit classe qu'il m'a été possible, pour la première fois, de passer toutes en revue.

         "La Collège archiépiscopal, dont tous les élèves sont de futurs prêtres, est ici le premier établissement d'enseignement classique où l'étude de notre langue a été rendue obligatoire. L'enseignement du français est donné  exclusivement par M. le Dr Merz. Ce professeur se sert de divers manuels d'exercices et de morceaux choisis, notamment d'ouvrages de lecture donnés par l'Alliance françaises. Je suis heureux de pouvoir attester l'utilité de ces dons. Dans les petites classes, j'ai remarqué qu'une place relativement assez importante est réservée à la grammaire. Dans les grandes classe, M. le Dr Merz entraîne avec succès ses élèves à des exercices de rédaction. Il conçoit l'étude du français qui se développe parallèlement à celle du latin, comme un moyen de former la pensée des élèves. Ceux-ci le savent et les résultats obtenus me paraissent intéressants."

         Il la concevait aussi comme un moyen de leur faire connaître et aimer l'Eglise et la France catholique." Des Bibles scolaires, mentionne une note qui nous fut envoyée sur les travaux de l'année scolaire 1923-1924, ont été distribuées à tous les élèves ont fait de si grands progrès qu'ils ont pu traduire des articles du Noël, de la Revue des Jeunes, de la Revue liturgique. Nous pensons faire passer ces traductions dans les revue croates."

         De fait, elles y passèrent, ainsi que celles d'articles tirés de l'Almanach catholique français. L'an dernier, bon nombre de ces jeunes gens pouvaient suivre la messe dans un paroissien français et se servir, comme livre de piété, d'un texte français de l'Imitation de Jésus Christ.

         Le professeur Merz fut aussi journaliste et conférencier. Etudiant à Paris, il envoyait déjà des correspondances à la presse catholique de son pays. Revenue à Zagreb, il continua ces collaborations et fit paraître toute une série de brochures pour la rédaction desquelles il se documenta souvent auprès de nous. Ce furent, par exemple: Lourdes par Zola; Les Miracles récents de Lourdes; Les Catholiques et le Nouvelles danses; Toi et Elle, où il traita d'importantes questions morales, enfin: La mort héroïque de Sainte Jeanne d'Arc.

         La seule énumération de ces titres suffit à faire connaître quelles étaient ses préoccupations apologétiques, ce qu'était aussi sa piété envers la Sainte Vierge. Elle le montre enfin réalisant son dessein de s'adresser à ses jeunes compatriotes pour éclairer et réchauffer leur foi. Ceux-ci, dès 1922, l'avaient élu Président de leur Fédération de la Jeunesse catholique croate. Quand cette fédération s'unit à celle des Aigles, il devint le vice-président des deux groupements. Il était très  attaché aux Aigles; son dernier désir fut même de reposer, sur son lit de mort, revêtu de leur costume. Aussi ses chers Aigles, pour lesquels il faisait encore des démarches auprès de nous, en mars dernier, lui ont-ils fait, jusqu'au cimetière, sous la pluie du dimanche 13 mai, un émouvant cortège.

         Il s'est prématurément usé à tant de labeurs, auxquels s'ajoutaient des conférences, sur les sujets les plus divers, notamment sur sainte Jeanne d'Arc, répétées de ville en ville.

         Tout en s'extériorisant ainsi, pour les besoins de son apostolat, Merz menait, par ailleurs, une vie studieuse et retirée où les pratiques de piété tenaient, avec le travail solitaire, la plus grande place. "Il méditait, nous écrit un de ses amis, chaque jour matin et soir, au moins une demi-heure et communiait aussi chaque jour...Il jeûnait chaque vendredi et couchait sur des planches. C'est ce qu'on sait; ajoute notre correspondant, mais sa chambre a caché beaucoup de pratiques d'ascétisme qui ne sont pas connues." "Tout le clergé de Zagreb, nous écrit-on encore, a voulu accompagner à sa dernière demeure ce laïc dont la vie fut digne d'un prêtre, il a vécu, il a souffert, il est mort comme un saint."

         Nous ne croyons pas, pour notre part, qu'il soit en aucune manière exagéré de prononcer, au sujet d'Yvan Merz, les mots de vertu peu commune. Ils traduisent à notre témoignage l'exacte vérité.

         Le Comité Catholique des Amitiés français, d'accord avec l'Institut français de Zagreb, a l'intention de fonder, pour le meilleur élève des cours de français du Collège archiépiscopal de Zagreb, un Prix Yvan Merz. Ne sera-ce pas justice de chercher à perpétuer ainsi le souvenir de ce professeur émérite qui fut aussi un modèle de jeune homme chrétien?

        
                  E. BEAUPIN

 
[1] La Vie et l'Oeuvre d'un grand prélat de Yougoslavie: Mgr Antoine Mahnic. Les Amitiés catholiques françaises, n du 15 juin 1921.
[2] Yvan Merz, La Liturgie catholique, dans l'Oeuvre de Paul Claudel. Les Amitiés catholiques françaises, n des 15 avril et 15 mai 1924.