Sabrana djela - Razno

Èlanak u word dokumentu

Prijevod èlanka na hrvatski:

ŽIVOT I DJELO VELIKOG PRELATA
IZ JUGOSLAVIJE
MSGR. ANTON MAHNIÆ


Les Amitiés Catholique Françaises, 2 Année, n 2, 15. juin 1921. p. 8-10

La vie et l'oeuvre
d'un grand prélat de Yougo-Slavie
Mgr Antoine MAHNIC

Récemment nous est parvenue la triste nouvelle de la mort d'une des plus remarquables personnalités catholiques de Yougo-Slavie, l'éveque de l'île de Krk (Veglia), Mgr. A. Mahnic. Sa renommée était si illustre dans ce pays que ses adversaires meme l'estimaient. Toute la presse yougo-slave, eto aussi celle de l'étranger, a publié des articles sur sa vie et sur son oeuvre.

Pour faire mieux apprécier l’ouvre de Mgr Mahnic chez les Croates et les Slovenes, nous allons citer l'opinion d'un de ses adversaires, d'un socialiste slovene: "Dans l'histoire des Slovenes, Mgr A. Mahnic est une borne entre les temps nouveaux et les anciens; son avenement signifie le commencement de la chute du libéralisme slovene (dans le sens politique) et la préparation du pays aux idées sociales de M. Krek.[1]"

C'est avec lui, en vérité, que commence une ere nouvelle dans le développement intellectuel des peuples slovene et croate. Mais pour mieux saisir l'importance de son rôle, il convient d'abord de retracer les traits les plus saillants de sa vie.

Né le 14 septembre 1850, a Kodilj, dans le Carse, il termina ses études secondaires et théologiques avec le meilleur succes. En 1874, il fut ordonné pretre et il obtint un peu plus tard le grade de docteur en théologie. Nous le voyons des lors remplir les fonctions les plus diverses; mais il occupa surtout la place de directeur et professeur du séminaire de Gorica. En 1880, il commença a travailler dans le domaine de la philosophie, de la critique littéraire et de l'esthétique. C'est dans le journal catholique Slovenec et dans la revue le Catholique romain, qu'il avait fondée, qu'il publia une série d'articles. Il s'en occupa jusqu'en 1896, date a laquelle il devint éveque a Krk (Veglia) ou il continua, parmi les Croates, l'ouvre bénie qu'il avait commencé chez les Slovenes.

A la veille de son avenement, le libéralisme philosophique régnait dans tout l'empire autrichien. M. l'abbé Mahnic s'étant aperçu des conséquences funestes de cette conception du monde lui déclara la guerre en créant la revue le Catholique romain et en protestant a plusieurs reprises aupres du gouvernement contre la propagande anticatholique. Le séminaire de Gorica, dont M. Mahnic était le recteur, soufrait de cette propagande, et le gouvernement décida de déplacer ce recteur qui lui faisait obstacle.

Ayant été envoyé a Trst (Trieste), ou par hasard le siege de l'éveque etait vacant, il continua son ouevre, au grand embarras du gouvernement qui croyait avoir trouvé le moyen de le rendre inactif.

On espérait, de plus, grâce a son aide, supprimer la liturgie glagolitique dans les régions ou elle s'était conservée depuis le dixieme siecle. Mais les Italiens et les Autrichiens, qui le connaissaient comme absolument dévoué au Saint-Siege, s'étaient trompés. Un jour, le commissaire italien Rinaldini, envoyé aupres de lui, lui demanda s'il avait l'intention d'abolir l'écriture glagolitique. Il reçut cette réponse: "Je n'ai pas eu encore le temps d'étudier cette question; mais je vous promets de le faire, Excellence, et je vous le dis ouvertement: si je trouve que l'écriture glagolitique a une existence légale, non seulement je ne l'abolirai point, mais je la défendrai de toute mon ame."

Il se mit au travail et rédigea, selon le décret du pape, la liste de toutes les paroisses glagolitiques. A causé de son amour pour cette liturgie nationale, une grande campagne gut menée contre lui dans les journaux. On l'accusa d'hérésie. A la suite d'un article paru dans l'Avenir et de beaucoup d'autres, il fut convoque aupres du Saint-Siege pour se justifier. Ce destin nous rappelle celui des apôtres slaves saint Cyrille et saint Méthode.

Entierement approuvé par le Pape, il rentra dans sa patrie avec une grande douleur dans l'âme, non a cause de ces attaques, mais en songeant que le Saint-Siege avait pu le soupçonner.

Mgr Mahnic ne se contetna pas seulement de défendre l'écriture glagolitique; il voulait qu'on l'étudiât et qu'on la popularisât dans le peuple et parmi les ecclésiastiques. Dans ce but, il créa "l'Académie de l'ancienne écriture croate", qui publia en grand nombre des oeuvres excellentes.

Outre cette lutte en faveur de l'écriture glagolitique, il se préparait pour un autre combat. Le gouvernement autrichien, pour affaiblir les Croates, soutenait les minorités italiennes. La langue dans laquelle on enseignait dans les écoles était l'italien, meme pour les enfants croates qui n'y comprenaient rien. Exception était fate cependant de voir les pretres catholiques enseigner en langue croate, voulait les forcer a faire le catéchisme en italien. On voulut aussi supprimer l'usage de la langue croate pour la sainte confession. Enfin, on interdit aux pretres de rentrer dans les écoles.

Mgr Mahnic accepta cette provocation; et apres avoir exigé a plusieurs reprises le retrait des ordonnances susdites, il s'adressa enfin aux éveques d'Autriche. Ceux-ci, estimant sa cause juste, protesterent aupres des ministres autrichiens, mais n'obtinrent aucun résultat. Mgr Mahnic usa alors d'un moyen extreme. Il fit une protestation solnnelle contre la tyrannie du gouvernement qui tâche d'asservir meme des âmes enfantines, "ce que ne faisaient pas les oppresseurs les plus barbares."

Apres quatre ans de cette résistance obstinée, le gouvernement dut céder.

Tandis qu'il menait cette lutte contre les adversaires nationaux, une lutte plus dangereuse se préparait. Il lui fallait vaincre et conquérir la propre Nation exposée au péril du libéralisme qui s'était déja emparé de tous les intellectuels croates. Il s'apreçut bientôt que la presse était entierement anticatholique et qu'elle semait des idées contraires aux traditions chrétiennes de sa nation si fiere du surnom de "Antemurale Christianitatis" donné par l'Occident reconnaissant de l'avoir protégé de l'invasion mahométane.

Pour combattre cette presse, il fonda une imprimerie catholique a Krk (Veglia). Mais n'ayant pas d'argent, il s'adressa a son clergé. Et comme on lui demandait a quoi pouvait servir une imprimerie, il répondit: "Serait-il possible qu'un éveque catholique ne put avoir sa propre imprimerie?" Désormais, c'est a l'aide de cette imprimerie qu'il fit paraître et qu'il encouragea la fondation des premiers journaux et revues catholiques, parmi lesquelles la plus importante fut Hrvatska straza (la Garde croate), revue philosophique pour les intellectuels. Avec la force inexorable de la philosophie scolastique, cette revue battit en breche la forteresse du libéralisme athée.

Mgr Mahnic ne se contenta pas de cet énorme succes. Il alla plus loin encore. Sachant que c'est a l'éducation de la jeunesse croate. Les étudiants comprirent ses idées et rédigerent, encouragés par lui, leur revue Luc (Flambeau). Il publia presque dans chaque numéro une épître aux étudiants et devint "l'éveque des étudiants". Cet apostolat eut jusqu'a sa mort sa prédilection. Il forma parmi eux une quantité de personnalités fortes qui forment, a l'heure présente, la bloc du mouvement catholique en Yougo-Slavie. En mourant, il laissa un testament a ses étudiants, dont voici quelques extraits:

"Je vous recommande d'abord chaleureusement de maintenir l'unité et la concorde dans les rangs catholiques. Aimez-vous les uns les autres, mais n'oubliez jamais que l'unité et la concorde sont faibles la ou manque le zele pour la discipline extérieure... C'est a toi, jeunesse des étudiants, que je legue le soin d'organiser la jeunesse rurale... Les étudiants vivent parmi le peuple, et ils ne sauront mieux lui montrer leur reconnaisance qu'en dressant dans les villages et dans les cités un rempart puissant contre le libéralisme faux, cet ennemi du peuple chrétien... Je combattis pendant toute ma vie le modernisme paien sous ses formes diverses; je vous legue ce combat comme héritage. Rejetez, mes chers fils, les idées antichrétiennes loin de vous. Il vous sera facile de vous préserver de toute pensée malsaine et dangereuse si vous restez toujours dévoués de tout votre coeur au Saint-Siege, au Pape romain."

Et ainsi se continue jusqu'a la fin ce testament, dans ce ton tranquille et sur qui avait reconquis les Croates au Christ.

Durant la guerre, cet illustre éveque protesta contre les tendances pangermanistes du gouvernement de Vienne qui voulait, sous divers prétextes, enflammer la haine contre les Serbes. Il protesta énergiquement contre l'insinuation de travailler pour la maçonnerie en défendant les lois naturelles de son peuple et en empechant la germanisation des Balkans. Il signa la "Declaration du mois de mai", bien connue, par laquelle les Slovenes et les Croates demandaient leur indépendance et qui fut qualifiée de trahison par le gouvernement autrichien.

Apres l'occupation de son éveche par l'armée italienne, il resta a Krk pour partager le sort de son peuple; mais, a cause de son patriotisme, il fut déporté en Italie.

Entierement brisé, il rentra dan sa patrie apres de longues protestations. Jusqu'au dernier moment, bien que prévoyant sa mort prochaine, il conserva toute sa lucidité. Son esprit pénétrant avait je ne sais quoi de prophétique: tout qu'il avait prédit s'accomplit. En considérant l'Europe moderne, il s'écriait, il y a trente ans: "Malheur a toi, Europe! Les péchés publics doivent etre publiquement punis! Tes péchés ont un caractere politique et social, le châtiment sera une révolution politique et sociale." Il avait encore prédit, longtemps avant la guerre, la ruine de l'Autriche.

On ne peut pas donner, dans un si court article, un aperçu de toute son oeuvre, de ses travaux pastoraux, ascétiques. Si l'on prétendait étudier sa vie intérieure, qui porte les marques de la sainteté, on pourrait écrire un volume.

Le journal anglais Catholic Times and Catholic Opinion, du 1er janvier 1921, a bien remarqué que son oeuvre philosophique a une valeur classique et que, pour apprécier tout ce qu'il a crée, il faudrait des volumes.

Tout ce que Mgr Mahnic a fait reste un trésor inépuisable pour l'enrichissement de l'âme national du peuple croate et slovene. C'est lui qui a relevé le rempart catholique au sud de l'Europe en renforçant les liens avec l'autorité centrale de l'Eglise universelle. Grâce a lui, les catholiques croates et slovenes pourront résister aux forces funestes du schisme et du bolchevisme qui on déja déclaré la guerre a l'Eglise catholique sur ses frontieres du sud-est.

C'est aux catholiques du monde entier de soutenir leurs coreligionnaires dans cette lutte.

IVAN MERZ.

 


[1] M. l'abbé Krek a été la fondateur du mouvement catholique social en Slovénie. C'est a lui que ce peuple doit le plus grand nombre de ses organisations sociales les plus diférentes.