AVANT-PROPOS DE L’ÉDITEUR
Dans les archives de la Faculté de philosophie de l’Université de Zagreb sont enregistrées, ŕ la date du 9 mai 1923 (sous le numéro d’ordre 249), les épreuves en vue du doctorat qu’Ivan Merz a passées devant deux professeurs de la faculté: le célčbre romaniste Petar Skok et Stjepan Tropsch, au titre de la langue et de la littérature allemandes. La troisičme signature est celle du doyen de la faculté, Ladislav Stjepanek. La mention obtenue par le candidat et inscrite sur le registre est: Excellent. La thčse est intitulée: L’influence de la liturgie sur les écrivains français, de Chateaubriand ŕ nos jours. On ne trouve pas dans les archives de rapport écrit relatif ŕ la thčse. La copie de ce travail que j’ai eue entre les mains est dactylographiée et contient 362 pages de texte continu ainsi que quatre tableaux chronologiques des oeuvres analysées dans l’étude (1700-1923); suivent, écrits de la main d’Ivan Merz, un index alphabétique des noms d’auteurs, un index chronologique des auteurs et des oeuvres liturgiques antérieurs au XIXčme sičcle, un index liturgique des offices, des textes et des cérémonies analysés par les écrivains français des XIXčme et XXčme sičcles, une bibliographie des oeuvres littéraires, une bibliographie des oeuvres liturgiques et enfin la table des matičres, soit 384 pages au total.
Dans son approche de la littérature française, Ivan Merz envisage celle-ci sous un angle trčs particulier, celui de la recherche d’éléments liturgiques dans les oeuvres littéraires. La liturgie ayant joué un rôle éminent dans la formation de la civilisation européenne, tous les arts en sont tributaires. Cette influence de la liturgie sur les arts peut ętre observée de maničre presque continue depuis le Moyen Age. En ce qui concerne plus particuličrement l’histoire littéraire de la France, on peut parler d’un véritable “empire” de la liturgie. Seul le XVIIIčme sičcle est résolument hostile ŕ celle-ci. Pour ce qui est du XIXčme sičcle, qui s’ouvre par le Génie du christianisme de Chateaubriand (1802), il est marqué par un renouveau des conceptions en matičre de liturgie, dű surtout ŕ l’oeuvre de dom Guéranger. Les écrivains et les milieux intellectuels de l’époque subissent l’influence de sa surprenante culture esthétique et la France retrouve alors l’unité liturgique. Selon les conclusions d’Ivan Merz, la liturgie est une partie constitutive du patrimoine national français, le peuple français ayant toujours été “entraîné par les splendeurs du culte”.
Merz classe les écrivains français du XIXčme sičcle en trois catégories: les écrivains liturgiques, les écrivains antiliturgiques et les écrivains indifférents en ce domaine. Il ne se limite pas ŕ un genre littéraire particulier mais embrasse pour ainsi dire tous les secteurs de la production littéraire, en se concentrant plus particuličrement sur les romanciers et sur les počtes. Ivan Merz montre qu’il est difficile de trouver un écrivain de renom qui n’ait pas introduit dans son oeuvre quelque élément thématique relevant de la liturgie. La constatation vaut męme pour les écrivains antiliturgiques et pour les indifférents, ce qui confirme l’importance de la liturgie dans la vie des Français de l’époque.
L’étude des oeuvres littéraires fait ressortir de deux maničres l’influence des cérémonies sur ceux qui y participent. Cette influence se manifeste d’abord par une impression de nature superficielle et d’ordre esthétique, due ŕ la perception de l’architecture, du plain-chant des choeurs, des officiants en habits sacerdotaux. Mais il y a aussi une impression intériorisée, d’ordre spirituel, qui agit sur l’âme humaine et l’aide ŕ résoudre les problčmes liés ŕ son équilibre. La liturgie permet ainsi ŕ l’homme de retrouver l’harmonie.
L’ouvrage nous révčle Merz comme un chercheur ayant un profil scientifique trčs affirmé. Ses analyses sont fines, détaillées et savantes. Merz a une grande admiration pour la France et pour sa culture, mais également une foi profonde et intense. Trčs moderne, son oeuvre est porteuse d’un message riche pour l’homme de notre époque.
Milka Jauk-Pinhak
Docteur čs sciences philologiques
Vice-Doyen
de la Faculté de philosophie
de l’Université de Zagreb