PREMIERE PARTIE
LES ECRIVAINS LITURGIQUES
CHAPITRE PREMIER
APERCU HISTORIQUE
I – Le Concordat de 1801 donna le branle au déploiement des fastes religieux. Cette époque fut marquée par l’apparition du Génie du Christianisme.
II – L’époque romantique fut foncièrement antiliturgique.
III – Déjà vers 1848, l’action de DOM GUERANGER se fait sentir en France. BARBEY D’AUREVILLY est un précurseur du renouveau liturgique parmi les écrivains français. En route (1896) de HUYSMANS marque la première apogée de l’influence de la Liturgie dans les lettres françaises. Le recueil Corona Anni Dei Benignitatis (1913) de PAUL CLAUDEL est la seconde apogée de cette influence.
IV – La Liturgie jouera dans l’avenir un rôle considérable dans la vie de la nation française. Nous ne savons pas jusqu’à présent sur quel art son influence se manifestera davantage.
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I – Après avoir jeté un coup d’oeil rapide sur les tableaux chronologiques dressés à la fin de cette étude pour en faciliter la compréhension générale, on s’apercevra facilement du grand nombre d’auteurs liturgiques qui ont surgi en France après la conclusion du Concordat de 1801. Les églises fermées au culte pendant les années troublées de la révolution furent rouvertes.
L’on vit de nouveau des cérémonies splendides se dérouler dans de nombreuses cathédrales françaises. Elles causèrent une joie indescriptible à la population et ce fut comme une explosion d’enthousiasme liturgique à travers tout le pays de France. Les manifestations liturgiques étaient d’autant plus goûtées qu’elles avaient été interdites quelques années auparavant par des lois draconiennes (73). Il ne faut cependant pas oublier que le couronnement de Napoléon fut un acte liturgique de première importance qui a donné le branle à ce déploiement de faste religieux que nous venons de mentionner. Cette résurrection de l’enthousiasme liturgique qui fut marquée en littérature par les premières oeuvres de CHATEAUBRIAND et celles
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que nous pouvons trouver citées à la fin du Génie du Christianisme (a)fut de très courte durée.
II – Le romantisme français, lui, nous a fourni, à la vérité, des chefs d’oeuvre de la poésie lyrique, mais il s’est laissé envahir par un courant foncièrement antiliturgique. L’inspiration religieuse des LAMARTINE, HUGO, MUSSET, ou DE VIGNY était tout ce qu’il a de plus individualiste et de plus vague. Tandis que l’inspiration religieuse de la Liturgie est marquée au coin de la précision même et qu’elle exige de tout homme sans distinction de classe ou d’éducation des élans religieux en même temps que sociaux très précis, les Romantiques ont chanté Dieu pour la plupart sans vouloir s’astreindre aux règles de quelque culte fixé d’avance. L’on peut prétendre que cet état d’esprit régna en maître indiscuté parmi les écrivains français jusqu’à l’élection de Louis Napoléon à la présidence de la République. C’est le moment où LAMARTINE quitta la vie publique et que d’autres influences commencèrent à se frayer un chemin à travers tant d’esprits imbibés encore par une conception individualiste du monde.
III – A cette époque, l’Année Liturgique et les autres écrits de DOM GUERANGER commencèrent à transformer la vie intérieure de nombreux écrivains, et le résultat en fut que quarante diocèses reprirent enfin la Liturgie romaine.
Les romans de l’écrivain BARBEY D’AUREVILLY annoncèrent les premiers le renouveau liturgique dans les lettres françaises. Non que ce critique eût le dessein arrêté de faire de l’apostolat liturgique, mais le rôle considérable que la Liturgie joue dans ses romans sataniques et les effets d’horreur qu’il en tire à la manière des romantiques (HUGO, Lucrèce Borgia) prouvent que l’importance de la liturgie ne lui a pas échappé comme à tant d’écrivains qui l’avaient précédé. Le véritable renouveau liturgique annoncé par le roman A Rebours, de HUYSMANS (1884), par BLOY et par VERLAINE, atteignit cependant sa première apogée en 1895, avec la publication de En Route de HUYSMANS. La chapelle des bénédictines de la rue Monsieur, décrite et célébrée par lui, devint le rendez-vous des artistes. On y vit d’abord COPPEE et BRUNETIERE, plus tard le hollandais De WALCHEREN et R. SALOME. Ce dernier lui a consacré l’ intéressant article dans la Revue des Jeunes (b), que nous mentionnerons encore plusieurs fois au cours de notre étude. Cette emprise de l’esprit liturgique ne cessa pas jusqu’à nos jours et il semble qu’elle ait atteint son degré suprême pendant les années qui précédèrent la guerre mondiale. Cette seconde apogée a reçu son véritable cachet par les oeuvres lyriques de PAUL CLAUDEL et tout particulièrement par son recueil Corona Anni Dei Benignitatis.
(a) (En voici quelques auteurs: LA HARRE, FONTANE, DE LA RENAUDIERE, DELILLE)
(b) 25 janvier 1917
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IV – Il est toujours hasardeux de faire le prophète et de se perdre en des conjectures, mais il est hors de doute que la Liturgie jouera encore dans les années à venir un rôle considérable dans la vie de la Nation française. L’avenir nous dira cependant si son influence sur la littérature se manifestera toujours à un degré si éminent ou bien si les peintres ou les musiciens, les architectes ou les chorégraphes l’emporteront dans ce domaine sur les écrivains.
Après un préambule assez long, nous voilà donc parvenus à notre point de départ et il nous est enfin possible d’analyser du point de vue liturgique cette longue série d’écrivains qui se sont foncièrement inspirés des cérémonies religieuses et des textes sacrés.