IVAN MERZ :
PROMOTEUR DU RENOUVEAU LITURGIQUE EN CROATIE

par Marin Škarica

Traduit du croate par Josipa Matošin

Professeur à l’institut liturgique papal et à la Faculté de Théologie Propagande fide  de Rome, alors qu’il découvrait la vie et l’œuvre d’Ivan Merz, le docteur Tommaso Federici, admiratif et enthousiaste, écrivit ceci :

       “La personnalité et l’œuvre d’Ivan Merz suscitent une indicible surprise chez celui qui les abordent. La Culture européenne, principalement fondée sur un axe – quoique ramifié –

Paris-Berlin, ignore tout d’Ivan Merz, de ce qu’il a représenté pour sa patrie, la Croatie, en matière de religion, spiritualité et liturgie… Disserter sur Ivan Merz n’est qu’enchantement. C’est se retrouver au sein d’un échange fondamental, auquel il est difficile d’échapper, à propos duquel il est impensable de ne pas tirer quelque enseignement. Sans avoir bénéficié d’une aide quelconque, ce jeune laïc a allié un génie hors du commun à un savoir étendu. Son don est intuition qui le guide au cœur des questions fondamentales de l’âme, de la société et de l’avenir : c’est ainsi qu’il anticipât en grande partie, quarante ans à l’avance, ce qui, concernant le plein renouveau de la vie chrétienne, fut sanctionné mais également encouragé par le Concile de Vatican II. Laïc et chrétien, promoteur du renouveau, il est, à ce titre, digne d’admiration et de bienveillance…    

On cerne approximativement, dans la vie d’Ivan Merz, trois centres d’intérêt :

–     en premier lieu, l’étude et l’assimilation intégrale de la foi chrétienne, en quoi il surpasse ses contemporains en Europe. La liturgie, objet de son attention la plus vive, sera le centre de son étude, l’instrument privilégié du plein renouveau dans l’Eglise.

–     en second lieu, la vie, vécue au travers de résolutions renouvelées et toujours plus absolues en quête de sainteté, résolutions prises sans compromission. Au sein de ces résolutions, la vie liturgique est toujours la preuve de l’amour et de la communion de Dieu dans la célébration de la communauté.

–     En troisième et dernier lieu, l’apostolat parmi les jeunes, auquel Ivan Merz a réellement consacré sa vie et auquel il impose la liturgie pour but… Tout ceci est comme cimenté à sa foi, qui jamais ne s’affaiblit, foi en l’Eglise, au Pape, dans les évêques… Son enseignement, son action animée par l’”Action catholique”, indépendante de toute politique, est le modèle de la vérité, de la réalité, de la lucidité, de l’actualité… duquel l’auteur de ces quelques lignes a su tirer de précieuses leçons… Nous, professeurs à l’Institut liturgique papal, sommes pleins d’admiration pour l’enseignement liturgique d’Ivan Merz…”

      Ainsi écrivait Tommaso Federici, laïc et Italien. Nous nous apercevons que la personnalité et l’œuvre d’Ivan Merz sont peu à peu découvertes par delà les frontières de notre pays, et sous leur véritable lumière. Une connaissance aussi profonde, aussi juste d’Ivan Merz n’existe malheureusement pas encore chez nous. Aussi sommes-nous véritablement heureux de la tenue de ce symposium sur Ivan Merz, symposium qui contribuera certainement beaucoup à une meilleue et plus juste connaissance de sa personnalité et de son œuvre.

       Cet exposé s’attachera à présenter Ivan Merz comme précurseur du renouveau liturgique. Pour des raisons évidentes de temps, celui-ci ne peut-être que sommaire.

 

1-    Le mûrissement religieux et liturgique d’Ivan Merz

Le chemin parcouru par Ivan Merz est à tout le moins singulier et unique. Sa famille se considérait catholique, mais il n’y reçu pas une véritable et profonde éducation religieuse. Un moment décisif et un tournant critique eut lieu pour lui avec la mort tragique d’une jeune fille, Grete Teschner, dont il était amoureux. Cet événement le transforma complètement, le fit comme renaître, comme il le dit lui-même, et il commence, de ce jour, à rejeter la superficialité de l’existence pour ne plus voir toute chose que sous l’angle de l’éternité. Ljubomir Marakovic a joué un rôle important dans ce nouveau tournant de sa vie en lui donnant à lire la revue catholique viennoise Gral. Cette lecture eut une influence très positive sur Merz, car il y découvrit les idéaux qui jalonnèrent sa  vie : l’Eucharistie, la Vierge Marie, l’Eglise – Jésus dans l’Eucharistie, dans l’Eglise à travers Marie.

Merz est méditatif et subtil, aussi ne sait-il jamais contenté de la médiocrité,  bien au contraire, il fut inlassablement à la recherche de la vérité. C’est pourquoi son mûrissement religieux, qui débuta au cours de sa dernière année au lycée, progressa visiblement  et de façon surprenante dans le cadre de l’Académie militaire; il est vrai que la lecture de l’ouvrage Die Kunst Zubak beten (L’art de la prière), conseillée par Marakovic, y contribua sensiblement. Cette lecture a renforcé sa foi et lui a enseigné la prière, choses que dès lors il chérit. A l’époque, il écrivait déjà que prier signifie la foi, et que la foi sans la prière est chose morte, sans vie. Durant la guerre, Merz a approfondi sa foi et sa vie intérieure d’une façon particulière. Observant les horreurs et les souffrances, il en retient, par la prière et la réflexion, que seule la foi peut donner un sens rédempteur à toutes ces souffrances, que seuls les principes chrétiens ont valeurs absolue, et qu’eux seuls donnent la force nécessaire pour résister à la tragédie de la guerre. Cela l’incita à réfléchir sur le sens de la vie, sur la valeur rédemptrice de la souffrance, sur le mystère de l’Eucharistie, sur la force et le sens de la prière.

Mais ce qui nous importe plus que tout, ici, c’est le chemin, l’orientation liturgique de Merz. Une question se pose à nous : qu’est-ce qui a influencé Merz, qu’est-ce qui l’a acheminé pleinement vers la liturgie ? Nous pensons que la solution à cette question tient dans l’amour profond et instinctif de Merz envers l’Eglise, envers le Christ vivant dans l’Eglise – et donc en l’Eglise – envers le corps mystique du Christ. Merz s’est immergé dans le mystère de l’Eglise. Dusan Zanko écrit ceci : “Je ne sais s’il est possible d’imaginer la physionomie, le caractère religieux du docteur Merz en dehors d’un cercle lumineux dans lequel irradie l’idée la plus profonde, la plus mystique  de l’Eglise. Il a tant physiquement, spirituellement porté l’Eglise dans son être, qu’il sentait en être un élément vivant, comme la main ou la jambe peut l’être de l’organisme vivant de l’homme. Toute son âme était amour pour l’Eglise, amour dans l’Eglise.”

On peut presque dire que Merz était ivre de l’idée de l’Eglise. Il entendait être un fils véritable pour l’Eglise, il voulait vivre instinctivement, profondément d’en l’Eglise et avec l’Eglise. Et il était conscient et convaincu que la vie dans et avec l’Eglise se réalise éminemment mieux dans la liturgie, et que nous ne pouvons être véritables fils et membres de l’Eglise si nous ne sommes pas des hommes de prière, si par la liturgie nous ne vivons pas avec l’Eglise ses mystères. Il n’ignorait pas qu’il n’y a pas de véritables liturgie et prière si notre amour pour l’Eglise n’est pas instinctif, si nous ne sommes pas dans une alliance ardente, un amour ardent avec l’Eglise. C’est  la clef qui nous révèle le secret de l’âme d’Ivan Merz, la clef qui nous permet de comprendre pourquoi il a si ardemment et filialement aimé l’Eglise, et pourquoi il a, d’une manière si profonde, vécu et éprouvé les mystères de l’Eglise selon précisément la liturgie. Il a parfaitement compris que par la liturgie seule il s’immergera le plus rapidement et le mieux dans la vie divine de la grâce.

La conférence, tenue par Georges Goyau, sur la communauté des saints a eu une ascendance particulière sur la compréhension juste et profonde de Merz de la valeur de la  prière liturgique. Il a  alors pleinement et profondément compris l’Eglise, la splendeur et l’essence de sa prière, qui unit l’Eglise dans la communauté mystique sur la terre, dans le purgatoire et aux cieux. Peu après cette conférence, il écrivit : “J’ai compris ici la puissance de la  prière chrétienne”. Dusan Zanko conclut alors :”A partir de cet instant, l’âme de Merz… a uni sa prière avec celle de l’Eglise toute entière et est devenu entièrement et pleinement liturgique.”

C’est ainsi que Merz a atteint la certitude que seule la liturgie lui permet, pleinement et profondément, de s’unir avec l’Eglise toute entière dans le chant des louanges à la Sainte Trinité, aux cieux. Aussi, son infatigable empressement à entraîner les autres avec lui, dans le champ de la prière  et de la liturgie, de l’âme et la mystique, nous apparaît-il  maintenant évident. Aussi comprenons-nous également son apostolat liturgique et sa certitude que c’est au travers de la liturgie qu’l renouvellera pleinement  et profondément la vie spirituelle des jeunes  catholiques de Croatie.

 Là aussi, il nous apparaît évident pourquoi, lors de ses études d’après-guerre  à Vienne, et particulièrement lors de son séjour à paris, il usa de tout son temps libre et de toute son application pour approfondir sa foi et explorer la compréhension et l’essence de la liturgie. De la même manière, nous comprenons pourquoi il s’est si souvent rendu à San Gabriel près de Mödling, où se trouvait une importante école de missionnaires et où se tenait des cérémonies liturgiques. C’est là que Merz, durant la semaine sainte en  1920, a effectué une retraite spirituelle et liturgique, parmi d’autres étudiants, retraite guidée par le professeur Wilhelm Schmidt, ethnologue réputé. Le professeur Schmidt était un grand érudit, mais également un homme d’une foi profonde, qui éprouvait chaque jour  sa foi du plus profond de son âme, vivant dans la liturgie avec l’Eglise. C’est pourquoi il pouvait parler de la liturgie avec enthousiasme et amour, parce qu’il n’exprimait pas seulement ce qu’il percevait par la raison, mais avant tout ce qu’il éprouvait profondément en son for interne. La conviction religieuse de cet homme érudit et réputé et son amour pour la liturgie ont eu une influence majeure sur tous ceux qui effectuaient cette retraite spirituelle et liturgique, et particulièrement sur Ivan Merz.

Le docteur Avelin Cepulic écrit à ce propos : “Ces retraites spirituelles et liturgiques, à San Gabriel près de Mödling, ont par la suite été décisives pour la vie spirituelle de Merz… Ces retraites ont laissé dans la vie spirituelle de Merz les empreintes du puissant sceau liturgique…L’Eglise en sa liturgie louait la gloire dans une âme en particulier : celle d’Ivan Merz. A partir de là, il commença, de plus en plus, à approfondir et à apprécier les splendeurs de la liturgie.”C’est ce que confirme Dusan Zanko en disant : “Au cours de ces retraites spirituelles à San Gabriel, le docteur Merz a découvert la grandeur de la liturgie, et à partir de cet instant  il est devenu son disciple et son apôtre le plus fervent. Lorsqu’il écrit à propos de la liturgie, son style se revêt d’un charme artistique.”

Dès lors, la vie d’Ivan Merz prend un profond caractère liturgique, la liturgie devient pour lui de plus en plus la vie, la vie avec le Christ et l’Eglise, elle l’aide en fait à réaliser sa communion avec le Christ et l’Eglise.

L’enthousiasme de Merz pour la liturgie s’est renforcé lors de son séjour à Paris, où il a exploité toutes les occasions pour saisir l’âme et la richesse de la liturgie. Sa participation quotidienne à la messe, à la communion et aux cérémonies liturgiques, dans les plus grands centres de la vie  liturgique à Paris, y a pour beaucoup contribué. C’est ainsi que Mme Michaut, chez laquelle il habitait, rappelle qu’il se rendait tous les jours à la messe et à la communion chez les bénédictins  de la rue Monsieur, ou chez les lazaristes de la rue de Sèvres. Merz lui-même énumère différents lieux de dévotion et de liturgie où se rendaient fréquemment les Parisiens : les missionnaires de la rue du Bac; parmi les églises, celle de Saint-Sèverin, de Saint-Sulpice, Notre-Dame, Montmartre et Clermonte? Tous ces lieux ont assurément joué un grand rôle dans la formation liturgique de Merz.

La chapelle bénédictine de la rue Monsieur a très certainement tenu un rôle particulier et unique. Cette chapelle a, par ailleurs, particulièrement compté pour la formation liturgique de nombreux autres gens, principalement des intellectuels, français et étrangers. Ainsi participèrent aux cérémonies liturgiques, et parmi tant d’autres, F.Coppée, F.Brunetière, J.K.Huysmans, ainsi que le néerlandais M. Von der Meer de Walcheren. Sous l’influence de la liturgie, les intellectuels André de Bavier et M. Lucien Puel de Lobel y se sont ainsi convertis. De grands écrivains ont décrit dans leurs romans l’importance de cette chapelle, tel Huysmans dans En route et oblat ou M. Von der Meer de Xalcheren dans Journal d’un converti.

Merz se rendait le plus souvent à cette chapelle et y puisait les splendeurs et le sens de la liturgie. Il ne se contentait pas d’assister aux cérémonies liturgiques, il y participait activement  et les vivaient intensément de l’intérieur. En témoigne sa description de la prise de voile d’une novice bénédictine, fille de général, à laquelle il assista rue Monsieur. Il s’immergea totalement dans cette cérémonie, et la vécut de façon intense en son for interne.

Pour Merz, cette période d’études à Paris a contribué à l’approfondissement de sa foi et de  son acheminement liturgique toujours plus fort. Son étude de la vie des écrivains français lui fut d’une grande importance, en particulier celle de ceux qui se convertirent, ainsi que l’étude de l’influence de la liturgie sur ces écrivains. Merz souhaitait comprendre fondamentalement l’esprit de la liturgie, c’est pourquoi il étudia l’influence de la liturgie sur les écrivains français. Il en fit ainsi le sujet de sa thèse : “L’influence de la liturgie sur les écrivains  français de Chateaubriand à nos jours”.

Nous sommes d’avis que, pour Merz, la rédaction de ce travail a contribué à une connaissance réellement plus profonde de la liturgie, de sa signification, de son esprit et pardessus tout des rôles qu’elle tient dans la formation du chrétien; et nous pensons que ce travail a constitué la dernière étape du mûrissement liturgique de Merz et de son  orientation pleinement liturgique. Cette réflexion est confirmée par Jure Radic qui dit : “La rédaction de cette étude liturgique a été l’ultime étape de son orientation et de sa formation liturgique”. De même, D. Zanko le confirme en disant qu’”il semble que Paris ait exercé sur lui (Merz) l’influence la plus intense”, et que Merz “au travers d’une France liturgico-poètique a composé son caractère liturgique et sacré jusqu’à la perfection”.

Nous avons ainsi rendu compte du parcours particulier de Merz dans son mûrissement et son orientation liturgico-spirituelle, qui sont le fondement et la source de son travail apostolique et de renouveau et de sa vie liturgique.   

 

  1. La vie et l’action liturgique d’Ivan Merz

       Comme tous les promoteurs de mouvement liturgique moderne dans le monde, Ivan Merz a vécu avec l’Eglise au travers de la liturgie : quotidiennement, durant quarante-cinq minutes, il méditait les textes de la messe du jour; chaque jour, il participait à la messe, le missel en main, communiait, récitait le rosaire, et les dernières années le bréviaire, adorait le Saint-Sacrement, se consacrait à des lectures spirituelles…il vivait ainsi intensément les mystères de l’Eglise durant l’année liturgique, s’enrichissait de l’esprit miséricordieux de Dieu, et s’immergea très vite et intensément dans l’esprit de  Dieu. De tout cela, il est évident qu’il était sous l’influence particulière de la grâce de Dieu. Et c’est véritablement une chose extraordinaire si l’on considère qu’il s’agissait d’un laïc très jeune.

Ainsi, Merz est-il “devenu un grand de l’esprit, mais à genoux, là où l’homme est le plus proche de Dieu, et par là le plus grand, le plus fort… C’est à genoux que la grandeur de Merz commence, puis croît… A genoux dans sa chambre et  dans l’Eglise, plongé dans sa prière, Merz parle avec Dieu, et c’est là que sont prises les plus grandes décisions, quand l’être tout entier en est bouleversé : programmes et directions qu’il réalisera grâce à sa puissante volonté et l’aide sans limite obtenue du ciel par la prière. A genoux, Merz s’abreuve de la puissance céleste à l’intarissable source de la vie et de l’Eucharistie.

       Ainsi, il nous apparaît évident comment Merz est parvenu à la conviction que la liturgie est le meilleur et le plus sûr moyen de parvenir à la renaissance spirituelle et à la vie en Dieu. Il a érigé la liturgie et la vie avec l’Eglise comme fondement de tout son apostolat du renouveau spirituel parmi les jeunes catholiques de Croatie. Toute l’action qui fut la sienne se fondait sur les principes et les directives de l’Eglise, donc du Pape. Merz a consacré toute sa courte vie et ses hautes qualités à l’éducation de la jeunesse catholique croate dans l’esprit liturgique et de l’Eglise. Avec ses articles, ses brochures, ses cours, ses entretiens, et ses nombreuses rencontres et avec tous les autres moyens possibles, avec enthousiasme et amour, et plus que tout par son exemple, Merz essaya d’éveiller et d’encourager ses interlocuteurs à la vie authentique, liturgique et de l’Eglise. Les succès de ses actions ont été énormes, seule sa mort, prématurée, l’aura empêché de faire plus encore.

 

  1. La pensée liturgique d’Ivan Merz

       C’est au travers de ses écrits que l’on découvre le mieux Merz, or il a beaucoup écrit. Son journal est de grande importance, qu’il a malheureusement  peu tenu entre ses études à Paris et la fin de sa vie. De même, sa thèse de doctorat, “L’influence de la liturgie sur les écrivains français de Chateaubriand  à nos jours”, est une œuvre de grande valeur. Il rédigea également sept petits ouvrages et plus de cent articles, parmi eux vingt-cinq traitant de la thématique liturgique.

       La thèse doctorale de Merz sur l’influence de la liturgie sur les écrivains français est très peu connue. Il serait utile et intéressant de l’analyser lors d’une conférence particulière. On ne peut ici en parler de façon détaillée. Disons cependant que Merz l’a divisé en trois parties : les  “écrivains liturgiques”, les “écrivains antiliturgiques” et les “écrivains indifférents”. Il y analyse près de cinq cents œuvres de soixante écrivains célèbres. Pour rédiger une telle thèse, il était indispensables d’y consacrer de grands efforts, et Merz y démontre une connaissance étendue des écrivains français en particulier, et du mouvement du renouveau liturgique en France de Guéranger jusqu’à l’époque contemporaine de Merz. Merz constate que de nombreux écrivains se sont convertis sous l’influence de la liturgie et que la liturgie fait partie du patrimoine national du peuple français; il souligne l’influence des bénédictins, et particulièrement de don Guéranger, sur le renouveau de la vie liturgique en France. Merz motive toutes ses affirmations par des citations tirées des œuvres analysées. 

       Dans l’introduction du “Katolicki list” (Le Quotidien catholique), il est écrit : “La caractéristique de cette thèse étayée est qu’elle est devenue, sans le prétendre, une apologie de la liturgie. Il faut particulièrement souligner que l’importance des chants grégoriens y est mis en avant”. D. Zanko rappelle que Merz, avec cette étude considérable, a pris sa place parmi les meilleurs spécialistes de la  question;  les Français sauraient par ailleurs se montrer reconnaissants s’il pouvaient imprimer un exemplaire de cette thèse étayée de nombreux éléments sur leur vaste et importante littérature.

       Des très nombreux articles rédigés par Merz, ainsi que des différents thèmes qu’il y aborda, je ne retiendrais ici que ses écrits sur la liturgie et ne donnerais qu’une présentation sommaire des idées liturgiques les plus importantes, qu’il a promût et représenté.

       Bien que Merz n’ait jamais systématiquement étudié la théologie, il est cependant parvenu à maîtriser, avec une assurance extraordinaire, de façon juste et peut-on dire prophétique, conceptions et connaissances liturgiques et théologiques. Il était par nature un esthète, aussi, du moinns au début, étudie-t-il la liturgie comme un art admirable, et ce sous l’influence des écrivains français. Il a rapidement mûri, et la liturgie devient bientôt pour lui la seule et véritable vie de l’Eglise. Il met en valeur également le rôle social et les caractéristiques de la liturgie : la diffusion de la paix, de l’égalité et de la fraternité, les intérêts individuels au service de la communauté, l’union des hommes entre eux et avec les cieux.

       Pie X avait établi son programme liturgique sur la base du renouveau du tout en Jésus Christ. De même, Merz pose la liturgie comme fondement de tout  son apostolat du  renouveau, parce qu’il pense que la  liturgie est l’expression la plus puissante du renouveau du tout en Jésus-Christ. Afin que ce renouveau soit le plus profond, le plus fécond, il recommande ceci  :

– une solide connaissance de la foi pour une compréhension de la richesse du missel et de la liturgie;

– un recueillement quotidien sur les textes de la messe du jour qui doivent être lus la veille;

– ce recueillement doit avoir lieu  avant la messe, en découlant des décisions concrètes et non pas communes;

– la messe doit être prièe;

– il faut participer activement  à la liturgie avec attention et dans la joie, et non passivement et machinalement.

Si l’on participe ainsi à la liturgie, on saisit le mieux le  mystère du Christ et de l’Eglise, et c’est ce qui rend possible le renouveau, la renaissance dans le Christ.

       Merz a saisit avec justesse l’importance de la liturgie pour la rencontre de chacun avec Dieu et pour toute la renaissance spirituelle. Il était convaincu que la messe est le cœur de la liturgie, et que sans messe il ne peut y avoir de véritable vie liturgique. Aussi, a-t-il justement le plus écrit, et parlé avec le plus d’enthousiasme à propos de la messe, de la participation active, du missel, de la communion et des chants grégoriens. Tout ce qu’il a dit et écrit à ce propos, il l’a confirmé par sa vie, car il a participé, chaque jour, le missel en main, à la messe, et à la communion. Il met en valeur la messe qui doit être le cœur de chacun de nos jours, et le fait qu’au cours de la messe, nous devons nous séparer de toute préoccupation et souci de la vie. Il affirme que la messe est l’événement le plus important dans l’Eglise et que les plus grands mystères en ce monde ont lieu à l’autel. Un véritable événement social a lieu au cours de la messe : la prière et le sacrifice pour tous les hommes et au nom de tous les hommes. Les prières de la messe sont des chefs-d’œuvre de littérature et de musique.

La messe chantée est pour lui la messe idéale, parce que Jésus lors de la cène a célébré la messe en chantant. De même, durant les premiers siècles de la chrétienté, peuple et prêtre chantaient alternativement la messe. D’autre part, la messe solennelle chantée convient mieux à la dignité de la cérémonie, le chant unit nos voix avec les chants à la louange et à la gloire de Dieu, le chant à l’unisson nous enrichit et nous unit.

       Merz souligne que le chant n’atteindra son but que s’il est liturgique, c’est alors qu’il s’accorde avec les différents éléments de la messe, aux temps liturgiques et à la solennité du jour. Il reprend à son compte et souvent cite la réponse de Pie X à celui qui lui demandait ce qui serait chanté durant la messe : “Fils, on ne chante pas durant la messe, on chante la messe”. C’est pour cela que Merz réclame que ne soient  pas chantés durant la messe ces chants populaires qui n’ont rien de commun avec cet office. Ne peuvent être chantés que les chants dont la forme et le contenu sont faits pour la gloire de Dieu, et ceux qui ne troublent pas l’attention de chacun durant la messe. Merz observe avec tristesse que nombreux sont ceux qui sont loin de cet idéal.

       Durant les conférences qu’il donne, dans les articles qu’il rédige, il avertit sans relâche et encourage le fait, que l’on doit participer activement à la messe, munit du missel, en priant et suivant  l’office avec le prêtre, et non pas en récitant d’autres prières. Aussi, dans son article intitulé Considérations sur le missel romain, il salue avec enthousiasme la première édition du “Missel romain” du professeur Kniewald, et invite tous les croyants et particulièrement les jeunes à adopter le missel avec toute leur âme, à l’emporter à l’école et à l’église, sur le terrain de sport, et en chemin, et à en apprendre  par cœur certaines parties. Il est persuadé que le missel, couramment utilisé, contribuera au renouveau religieux, moral et liturgique du peuple croate. De la même façon, il écrivit beaucoup à propos de la beauté du bréviaire.

       Dans son article Jésus, ami des tout petits, il raconte comment cerains écrivains se sont enthousiasmés à la lecture de certaines des plus belles pages du missel et du bréviaire. Dans de nombreux numéro de Posestrimstvo, courrier des “Aigles” (NdT : organisation catholique de jeunes gens), dans la colonne “Liturgie”, il écrivit à propos de l’utilisation du missel et encouragea les écrivains et tous les croyants à se munir du missel à chaque messe, seule façon de vivre pleinement la messe et la liturgie. Le missel, en réalité, aide et permet que l’on vive l’année de l’Eglise selon justement la liturgie. Aussi, préconise-t-il la communion lors de la messe, car la messe sans la communion est d’une certaine manière “incomplète”, malgré toute participation. La communion est le summum de la liturgie, elle doit être le centre de la vie de chaque croyant; toute notre journée doit être centrée sur le Christ, c’est à dire amenée vers la communion. Les premiers chrétiens, dit-il, étaient conscients de cela.

       Merz exige que les “Aigles” communient une fois par mois, et même si possible chaque semaine, la communion devant être le fondement, la racine et la source de leur organisation. Inlassablement, il insiste sur le fait que toutes nos prières devraient être liturgiques et non pas sentimentales. Il dit à ce propos : “Notre dévotion sera fondée et efficace si liturgiquement, elle es tjuste et pure. Notre piété doit vivre avec l’Eglise, elle sera la plus pure, la plus belle lorsqu’elle s’en tiendra aux formes déterminées et consacrées par l’Eglise comme étant les formes de la prière et de la vie spirituelle”. La prière individuelle, lorsqu’elle est liturgique, est en même temps universelle et sociale, mais la prière liturgique collective est plus conseillée encore, car elle développe chez chacun d’entre nous cette conscience qui dit que nous sommes frères et sœurs, et enfants d’un même Père.

       Merz a également abondamment écrit sur le renouveau du chant d’église. Il écrit à ce propos que l’Eglise a toujours chanté, à l’époque des catacombes comme après. Là où le chant d’église est négligé, négligée l’est également la grande et sainte tradition. Si nous désirons renouveler la vie chrétienne, nous devons renouveler les rites et les traditions, et par conséquence le chant d’église. Merz apprécie par dessus tout le chant grégorien et lui donne priorité, mais il apprécie également les polyphonies vocales. Il a traduit et commenté l’introduction et certaines parties du Motu proprio – de musica sacra. Tra le sollecitudini. Il a commenté également la lettre de Pie X De musice sacrae instauratione. Et, il a écrit de la même façon sur le chant grégorien, l’a défendu, et a rendu compte de la beauté et de la signification de ce chant.

       Merz dit également qu’il faut maintenir la tradition des chants populaires, car ils sont aussi l’expression de la richesse du génie populaire, mais il leur consacre une place en dehors des fonctions liturgiques, sauf pour ceux qui, de par leur esprit et leur forme, conviennent à la liturgie.

       Il s’oppose aux concerts dans l’église, très à la mode à l’époque, s’ils ne sont pas organisés dans un esprit liturgique.

       Il a également écrit à propos de l’année liturgique, de façon méditative et incitative et ce surtout dans Posestrimstvo, et  à propos de la beauté de l’année liturgique dans Zivot (NdT : La Vie).

       Lorsque Merz était jeune, il privilégiait le slavon (NdT : langue vieux-slave) dans la liturgie et pensait qu’il faut garder et introduire en liturgie les éléments nationaux et les particularités de chaque nation, et même la langue nationale, et ce afin que la liturgie se rapproche des mentalités et coutumes de ces nations. Il dit, en outre, que les nations slaves entreront, dans l’avenir, dans l’unité de l’Eglise et l’enrichiront de leurs valeurs spécifiques, et , de cette façon, contribueront à son évolution. Les coutumes et particularités de chacune de ces nations, qui se distingueront de plus en plus dans l’Eglise, aideront et, à la fois, contribueront au fait que des  vérités séparées soient à l’avenir éclairées par une seule et vrai lumière et comprises dans leur véritable dimension. Tout ceci a valeur œcuménique; cependant, plus tard, sous l’influence de don Guéranger, Merz soutiendra que seul le latin est langue de l’Eglise.

    Il écrivit également abondamment  à propos de nombreux autres thèmes moins importants; tous ces écrits révèlent cependant une connaissance profonde de l’esprit de la liturgie.

 

  1. Ivan Merz  dans la lumière du Concile de Vatican II et des dispositions du Concile 

       Merz a été sous la grande influence de don Guéranger, il a soutenu certaines de se idées nouvelles, qui ne pouvaient être maintenues après le Concile de Vatican II et les dispositions du Concile.

 

  1. a)Les positions de Merz que l’on ne peut retenir 

Nous mentionnerons ce thème très rapidement. Nous avons vu que Merz, dans sa jeunesse, privilégiait le slavon, puis il a soutenu l’idée que l’Eglise devrait rapprocher la liturgie des mentalités et coutumes de chaque  nation et garder dans la liturgie la langue nationale et d’autres éléments et habitudes nationales; la liturgie, de cette façon, attirerait plus les gens, ce qui ne pourrait que contribuer au renouveau liturgique. Il était convaincu que viendrait le jour où tout ceci se réalisera dans la liturgie.

Les idées prophétiques et profondes de Merz commencent  à se réaliser avec le Concile de Vatican II, avec l’introduction de la langue nationale et la décision de, tout à la fois, respecter, conserver et promouvoir les qualités, particularités et diversités spirituelles de chaque nation et race, et de les introduire dans la liturgie, si elles s’accordent avec l’esprit liturgique.

Malheureusement, Merz, par la suite, sous l’influence de Guéranger, n’est  pas resté fidèle à ses positions personnelles; aussi son idée ultérieure, faisant du latin, de tout temps, l’unique langue de la liturgie, ne peut aujourd’hui être acceptée.

On ne saurait également et totalement accepter son analyse de la liturgie comme un art, car ce serait aujourd’hui d’une certaine manière un archaïsme. Cependant, on peut concevoir que, pour les personnes particulièrement douées artistiquement, envisager la liturgie sous cet angle peut aider à pénétrer intensément l’esprit et l’acceptation de la liturgie. Ainsi était Merz. Mais , bien vite, chez lui, cette conception artistique de la liturgie a fait place à une autre conception : celle de la vie et de l’offrande.

Merz acceptait la méditation durant la messe jusqu’à la consécration, et ce  si l’on ne disposait pas d’autre moment pour la méditation, bien qu’il précisait qu’il fallait cependant l’éviter. Aujourd’hui, c’est une chose qu’on ne peut admettre.

On ne peut non plus se contenter de ses textes, totalement méditatifs, sur l’année liturgique. Il existe encore un certain nombre de ces idées, de moindre importance, qui ne peuvent non plus aujourd’hui être admises.

 

  1. b)Les positions de Merz  qui ont valeur durable

La majorité des idées de Merz, et en fait les plus importantes et essentielles, sur lesquelles il a fondé tout son apostolat, est totalement en accord avec la doctrine et les propositions du Concile de Vatican II, aussi ont-elles valeur durable.

Merz dit que dans l’Eglise, corps mystique du Christ, se poursuit l’œuvre de la célébration de Dieu et du salut des hommes, et cela se réalise dans la liturgie, par les sacrements, les rites et les prières. Tous les membres de l’Eglise y ont leur rôle, car chacun doit à sa façon prêcher et témoigner de la parole du Christ. Le Saint-Esprit nous aide en cela. Ces mêmes idées et conceptions se trouvent dans la Constitution du Concile sur la liturgie (SC2,5,6 et 7).

D’après Merz, l’Eglise est le meilleur enseignant du renouveau et de la renaissance spirituels, l’Eglise nous l’enseigne selon la liturgie et sous l’influence du Saint-Esprit. La liturgie est le dialogue entre la “promise”, l’Eglise et  le “promis”, le Christ, dialogue toujours présent dans l’Eglise, particulièrement dans la liturgie, où il se consacre avec nous. C’est ainsi que, dans la liturgie, nous nous inclinons avec le Christ devant le Père dans l’Esprit et la Vérité, au nom de tous les hommes, en cela nous nous sanctifions. La Constution du Concile dit la même chose, l’œuvre de salut qui se poursuit dans l’Eglise, se réalise dans la liturgie, dans le Christ Jésus avec la force du Saint-Esprit, parce que le Christ est toujours présent dans l’Eglise, particulièrement dans les faits liturgiques, par lesquels on donne à Dieu la gloire parfaite et par lesquels les hommes s’inclinent (SC 6 et 7).

Merz dit qu’avec la liturgie nous commençons, sur terre, à chanter la gloire de Dieu, ce qui nous procure une joie immense; de cette manière, nous anticipons la liturgie céleste. Cette même idée se trouve dans la Constitution (SC 8). Merz est persuadé que le renouveau religieux ne peut se réaliser sans une vie dans l’Eglise selon la liturgie. Pour lui, la liturgie est la vie de l’Eglise, véritable, objective, attrayante, magnifique et universelle, l’expression de l’esprit de l’Eglise. La messe et la communion sont le centre et le summum de la vie et de la liturgie, l’Eucharistie est le fondement du renouveau et de la source de la vie. Le Concile emploie les mots : “La liturgie est le summum vers lequel tendent toutes les œuvres de l’Eglise, et en même temps la source d’où elle tire toute sa force” (SC 10).  Le Concile dit plus loin que la liturgie, et particulièrement l’Eucharistie, est la source de la grâce, de la sanctification et de la célébration de Dieu dans le Christ (SC 10). 

Nous avons vu que Merz tient à ce que la prière soit réfléchie, consciente, qu’elle vienne du cœur, qu’elle soit une profonde résolution. Il donne la priorité à la prière liturgique devant la prière individuelle, mais il n’exclut pas pour autant cette prière, au contraire il l’encourage, mais exige qu’elle soit liturgiquement vraie. Lorsque la prière individuelle respecte l’esprit de la liturgie, elle devient universelle et liturgique. Il avertit que la valeur de la prière ne dépend pas de sa longueur, et que la religion sans la prière n’est rien, car la prière est le dialogue avec Dieu et la reconnaissance de Dieu. La Constitution parle également de la nécessité des prières individuelles, qui doivent être en accord avec les temps liturgiques et la liturgie, et inspirées de la liturgie (SC 11, 12 et 13).

Merz relève la nécessité d’une éducation liturgique du prêtre, des membres des organisations catholiques et de tous les croyants, afin qu’ils puissent  vivre avec l’Eglise selon la liturgie. Cela a été le programme de son travail et de son action. On trouve des directives semblables sur l’éducation et la formation liturgiques dans la Constitution liturgique (SC 14-19). Merz relève également l’importance de l’Ancien Testament dans les rites liturgiques. Il encourage le fait que chacun, dans la liturgie, pratique ce qui lui tient à cœur, que chacun soit actif. Il met en évidence le fait que la vie religieuse et liturgique dans le diocèse dépend de l’évêque, de la paroisse, et du prêtre. Il donne également de l’importance à l’harmonie et à la beauté de la cérémonie. Tout ceci se trouve dans la Constitution du Concile (SC 24; 27-30; 34-35; 41-42).

Merz a également démontré les caractéristiques sociales de la liturgie : elle diffuse la paix, l’égalité et la fraternité, les intérêts individuels sont assujettis aux intérêts collectifs, elle unie les hommes entre eux et les relie aux cieux. Cependant tout ceci a une grande valeur, et la Constitution dit que, dans la liturgie, il ne doit pas y avoir de différences de traitement ni entre les personnes, ni entre les classes sociales, les prières ne se récitent qu’au nom du peuple entier (SC 32, 33).

Chez don Guéranger, l’aspect pastoral de la liturgie était assez mal développé, à la différence de Merz qui accorda beaucoup d’attention au pastoral liturgique. La Constitution du Concile accorde de même beaucoup d’importance à l’aspect pastoral de la liturgie (SC 43-46).

L’Eucharistie est pour Merz le centre de la liturgie et de la vie liturgique, aussi le mystère eucharistique prend-il la place principale dans sa vie et dans son apostomat. C’est pourquoi il dit que la messe doit être le cœur de la journée et prendre la place principale dans la vie de chaque croyant, car c’est elle qui rend éternel le sacrifice du Christ pour les hommes et au nom de tous les hommes. Les “fruits” de la messe sont l’unité, l’amour, l’alliance, et l’âme s’y emplit de grâce. Le summum, le centre de la messe est la consécration et la communion. La Constitution du Concile emploie des formules identiques (SC 47).

Nous avons vu combien Merz pouvait recommander la messe chantée, car elle nous élève, en quelque sorte, vers les cieux liturgiques, nous unit les uns aux autres et à Dieu; mais il insitait sur le fait que le chant doit  être liturgique, et si possible grégorien. La Constitution du Concile (SC 112-113) aborde en des termes très semblables la noblesse, l’importance de la musique et du chant dans la liturgie.

Nous sommes d’avis que la principale préoccupation de Merz était d’enseigner à la jeunesse catholique et aux croyants, en les encourageant, à participer activement et consciemment à la messe  munis du missel, car sans cette participation active  il ne peut y avoir de renouveau religieux. S’ils prient avec le missel, ils vivent l’année liturgique de l’Eglise dans l’esprit liturgique, et avec le prêtre ils apportent le sacrifice au Père, pour tous les hommes et au nom de tous. Toutes les idées de Merz ont valeur durable et sont clairement évoquées dans la Constitution du Concile (SC 48), à la différence que Merz les soutenait quarante ans avant l’adoption de la Constitution.

Etant donné que Merz était entièrement tourné vers la liturgie, il est compréhensible qu’il ait conclu que la messe sans la communion n’est pas complète quant à notre participation. En fait dit Merz, pendant la messe nous nous offrons en portant le Christ en nous, et cette offrande ne saurait être entière que si elle s’accompagne de la communion. Elle doit être le centre et le summum de la journée d’un croyant, car elle est, elle aussi, le summum de la liturgie. La Constitution dit également que la participation la plus achevée à la messe s’exprime “lorsque les croyants, après la communion du prêtre, communient le corps du Seigneur en ce même sacrifice” (SC 55).

Merz décrit la beauté et la richesse du bréviaire et son importance pour la vie liturgique, et admire l’Eglise qui dans le bréviaire chante la gloire de Dieu. Il prie le bréviaire chaque jour et encourage à le faire. De même la Constitution du Concile dit que l’Eglise, dans le bréviaire, a toujours loué le Seigneur et prié pour le salut du monde et que le bréviaire est la source de la dévotion. Aussi encourage-t-elle les croyants à le prier (SC 83).

Nous avons déjà mentionné que Merz donnait une importance particulière au chant d’église. Il faut que dans l’Eglise l’on ressente la joie et l’espoir, ce qu’apporte le chant dont l’Eglise a toujours pris soin. Pour que le chant corresponde à son rôle, il doit s’harmoniser avec les rites et les périodes liturgiques, il doit donc être associé à la liturgie. La Constitution aborde la question en des termes identiques (SC 112-114). Merz accordait une place spéciale à la chorale, ce sur quoi l’Eglise insistait auparavant, le Concile le confirme également (SC 116). Le Concile n’exclut cependant pas la polyphonie, ni toute autre forme de chant, pour peu qu’ils correspondent à l’esprit du fait liturgique (SC 116). Merz en parlait de la même manière et écrivit à ce sujet.

Merz bataillait contre les chansons populaires qui ne s’harmonisent pas avec l’esprit liturgique; elles furent pourtant introduites dans la liturgie. Il encourageait et s’engageait cependant en faveur de la préservation des chants populaires traditionnels  religieux, car ils sont l’expression du génie populaire religieux. Le Concile préconise également “que l’on préserve soigneusement le chant populaire religieux”, conformément à l’usage pieux et saint, mais il ne peut être introduit dans la liturgie que s’il s’harmonise avec l’esprit du fait liturgique (SC 118).

Merz s’engageait en faveur du renouveau du chant d’église selon les directives de Pie X, et encourageait à le faire tous les croyants, et particulièrement les membres des différents mouvements catholique, des séminaires, des diverses écoles religieuses et les rédacteurs de la revue Sainte Cécile. La Constitution dit à ce propos : “Il faut estimer grandement l’enseignement et la pratique de la musique dans les séminaires, les noviciats des ordres masculins et féminins, dans les cités scolaires, comme dans les institutions et écoles catholiques” (SC 115).

Il faut, dit Merz, maintenir dans la liturgie les éléments nationaux et les richesses des différentes nations, mais il faut éloigner de l’Eglise les images et les statues qui n’ont aucune valeur artistique, celles dont la valeur artistique est évidente doivent être conservées. Les fleurs artificielles n’ont pas non plus leur place dans l’église, les autels doivent être décorés avec peu de fleurs et peu de cierges. Plus loin, il recommande, lors de la fabrication des aubes et autres vêtements sacerdotaux, l’adaptation des ornements artistiques inspirés de motifs nationaux, ainsi la décoration des églises obtiendrait un style national. La Constitution du Concile adopte des dispositions similaires à ce propos (SC 122).

Après tous ces développements, nous pouvons conclure de droit que la majorité des idées, pensées, conclusions de Merz ont valeur durable, et notamment parmi elles les plus essentielles, celles sur lesquelles repose tout son apostolat, pleinement en accord avec la doctrine et les propositions de Vatican II. Il faut cependant mentionner qu’il les a diffusé quarante ans avant le Concile. Ainsi Merz se révèle être un homme clairvoyant, annonciateur des temps nouveaux dans l’Eglise, dans la liturgie et dans la vie chrétienne, temps qui trouvent leur confirmation et leur inspiration dans le synode de Vatican II, et leur réalisation à notre époque actuelle. 

l est évident que Merz est une personnalité unique dans le mouvement moderne catholique et liturgique. Les promoteurs de ces renouveaux dans les autres pays étaient le plus souvent de grands moines ou des personnalités cléricales célèbres. Il s’agit cependant ici d’un très jeune laïc catholique. Il développa son immense apostolat durant six années, sans école, sans enseignement académique théologique et liturgique. Et malgrè tout, nous découvrons chez lui des idées et des pensées originales, capitales et inattendues à cette époque, semblant souvent révolutionnaires, qui furent proclamées et réglementées par Vaticant II, et se trouvent dans les textes du Concile en tant que normes du renouveau et de la vie chrétienne authentique. Aussi, pouvons-nous dire que Merz est un grand homme, un homme de mérite, qui a conçu des visions prophétiques propres au Concile et qui a contribué à ce que se développe une vie chrétienne authentique chez de nombreux catholiques croates.

S’il a accompli tout cela, c’est parce qu’il savait aller de l’avant, défendre et diffuser courageusement ses idées et ses opinions, même lorsque cela n’était pas facile, lorsqu’il rencontrait des obstacles, des incompréhensions, des oppositions, mais il réussit à vaincre tout cela, en faisant abnégation. C’est pour cela que le succès devait arriver, et il vint… au moins comme un commencement.

Enfin, terminons avec les paroles du professeur Tommaso Federici qui disait : “Ainsi, en tant que laïc, seul parmi les promoteurs des mouvements liturgiques et de renouveau des temps modernes, Ivan Merz est digne d’être appelé le fils aimé et chéri de l’Eglise, une âme choisie, l’élu de Dieu, et d’être proposé comme exemple de sainteté moderne, réelle et vivante.”

Tout ce que nous avons pu exposer témoigne de la valeur et de la grandeur d’Ivan Merz. Dans son entièreté, il est pour nous un homme, un apôtre, un promoteur de la liturgie, un saint, dont on doit suivre l’œuvre et l’enseignement.