YVAN MERZ

E. SOLESMES, «Yvan Merz», Message de secours catholique senvier, siječnja 1979

LE CHARITABLE DU MOIS

LAÏC ET PRECURSEUR DE VATICAN II

16 décembre 1896

10 mai 1928

LE 16 décembre 1977, en une cérémonie bouleversante pour la jeunesse catholique croate, les restes mortels d’un laïc de 32 ans étaient transférés du cimetière à la basilique du? Sacré-Cœur de Zagreb.

Vénéré dès son vivant, Yvan Merz, en sa brève existence, avait suscité un grand mouvement dans l’Eglise croate, et les grâces attribuées à sa protection permettent d’espérer la prochaine béatification de celui dont on peut regarder la vie comme celle d’un précurseur de l’apostolat des laïcs, tel que Vatican II l’a défini.

Yvan est né en 1896, en Croatie, dans un milieu catholique de religion purement formaliste. A 10 ans, il fait sa première communion et poursuit le cours de ses études. Il étudie à Vienne droit et philosophie.

Vers sa dix-septième année, il fait l’expérience d’un amour humain très pur, et Dieu frappe un grand coup : la jeune fille qu’il aime si tendrement est victime d’une violence ; désespérée, elle se suicide. Durant des années, Yvan souffrira. Il fallait cela pour qu’un jour il puisse comprendre la jeunesse et panser les plaies d’autrui. Dès le début de la Première Guerre mondiale, il fait l’expérience de la vie au front et de ses souffrances.

La France…

et ses valeurs spirituelles

1919-1920, il voyage, visite Rome, Lourdes, et, à partir de 1920, étudie à Paris. Frappé par ses contacts avec les milieux intellectuels et artistiques, par la beauté de la liturgie, il choisit comme sujet de sa thèse:« De l’influence de la liturgie sur les intellectuels français de Chateaubriand à nos jours. »

Le jeune étudiant a pris pension rue Mayet avec Duro, un autre jeune Croate, Un jour, il lui dit : « Pourquoi ne te fais-tu pas prêtre ? » Duro rétorque, froissé : « Pourquoi pas toi ? » Yvan reste laïc et Duro, travaillé par ce qu’il considère comme une question stupide, entre un an plus tard au séminaire. De la rue Mayet, Yvan se trouve tout proche du monastère des Bénédictines, rue Monsieur ; là, il est saisi par la beauté très pure des offices, rencontre et se lie avec nombre de convertis habitués de la petite chapelle.

A ce moment, Yvan est déjà totalement donné au Christ. Il l’a écrit à sa mère vers 1921 : « Ma vocation, c’est la Foi catholique. » Déjà, il s’astreint à un régime d’austerité, prend et tient des résolutions émouvantes. Mes résolutions parisiennes, son journal gardé en Croatie comme une vraie relique, est heureusement révélateur. Ainsi : « Coucher sur la dure — deux repas seulement par jour — le vendredi, sentir la faim — ne jamais parler de moi — une fois par mois, passer un jour sans rien manger — être en proche contact avec la vie — vaincre la peur en allant parfois, de nuit, dans des lieux où on pourrait avoir peur — ne pas être absolu dans mes propos — ne pas parler de moi — donner aux pauvres tout le surplus de mes biens. »

C’est un garçon élégant, fin, cultivé. Il aime la France, sa culture et ses valeurs spirituelles. Aux jeunes filles de Croatie, dès son début dans l’apostolat, il donnera comme patronne sainte Jeanne d’Arc. Il se lie avec d’illustres convertis mais aussi, discrètement, visite les pauvres. Il domine son extrême sensibilité, la douleur de son pur et premier amour humain déchire encore son cœur.

Le 4 novembre 1921, il se trouve comme souvent aux vêpres chez les Bénédictines de la rue Monsreur. Dans la petite cour qui précède la chapelle, un nombreux public : les habitués du monastère lui annoncent qu’il y aura une vêture après vêpres. Parmi les assistants, un général à la poitrine constellée de décorations : le père de la jeune fille qui va recevoir l’habit religieux. La porte de clôture s’ouvre : Yvan est bouleversé, cette toute jeune mariée qui apparaît. Dans cette vision de blancheur, de beauté, de jeunesse, il entrevoit ce que peut être le sacrifice total au Christ seul. Il suivra avec émotion et intense curiosité tous les rites de la cérémonie à la chapelle, et le retour de la jeune moniale vers la clôture où sera désormais, vivante et cachée, cette grande novice vêtue de noir et voilée de blanc. Yvan suppute ce que doit être désormais sa vie. Il note même des austérités excessives dans son journal de ce soir-là et souvent il évoquera le souvenir de la « fille du général ». Qui se douterait, à voir ce beau et jeune garcon, qu’il ne pense, lui aussi, qu’à une consécration totale ? Neuf ans avant sa mort, il fera cette consécration en la fête de l’Immaculée Conception, fête très chère a ce pèlerin de Lourdes.

Engagé à fond

 Il a déjà senti dans son corps le mal qui le mine, ses yeux douloureux, cette souffrance de tête qui se précise. Il retourne à Zagreb en 1922, et devient un entraîneur des jeunes vers le Christ. Lui-même fait vœu de célibat. « Le Christ est ma vie et la mort m’est un gain » ; il vit ce texte de saint Paul, et veut le faire vivre à la jeunesse croate. Dans son pays, on le considère comme une colonne de l’Eglise. Il projette de fonder un Institut séculier. Grâce à Dieu, cet Institut sera fondé après sa mort.

Les quatre dernières années de son existence, il introduit en Croatie l’Action catholique. Tout le temps que lui laisse son devoir de professorat, il le consacre à l’adoration, la prière et le cher apostolat, devançant ainsi Vatican II. C’est vraiment le laïc engagé à fond et qui rayonne.

Au début de mai 1928, une opération s’avère indispensable pour sauver ses yeux. II emmène à l’hôpital son cher missel français-latin, pour suivre encore la vie de l’Eglise en sa liturgie. L’opération se solde par un échec et Yvan meurt le 10 mai, dans sa trente-deuxième année.

Sa tâche est-elle finie ? Non. Grâces de toutes sortes lui sont demandées et obtenues. Son rayonnement est tel qu’en 1958, un procès diocésain est ouvert (1).

Le postulateur de la Cause a eu l’audacieuse persévérance de retrouver la novice de 1921 qui impressionna tant le jeune Yvan. La chapelle de la rue Monsieur a été détruite mais « la fille du général » a été retrouvée dans son cloître où retentit toujours la louange divine : abbaye Saint-Louis-du-Temple. La novice a accompli la promesse de 1921. Elle est là, encore « pour toujours » comme s’émerveillait Yvan, vouée uniquement à la prière.

E. SOLESMES