p.  Božidar Nagy,  S. J.

 

LE  BIENHEUREUX  IVAN  MERZ,

UN  MESSAGE  DE  DIEU  POUR  NOTRE  TEMPS

 

 

Dans un film documentaire  présenté en 2000 par la télévision Croate au sujet d’Ivan MERZ, le Cardinal Franjo KUHARIC a déclaré à la fin de son intervention que ce Bienheureux était « un message de Dieu pour notre temps».  Cette pensée, le Cardinal l’a reformulée 40 jours seulement avant de mourir dans une lettre qu’il adressait, le 31 Janvier 2002, au postulateur du procès de canonisation du Bienheureux Ivan MERZ. Dans cette lettre, il écrit notamment : « Par sa conversion et sa vie,  Ivan MERZ est pour les générations actuelles et les jeunes intellectuels un message contemporain de foi, la lumière du CHRIST qui illumine chaque homme. »

 

       En étudiant l’histoire de l’Eglise, on s’aperçoit que chaque élu de Dieu, qu’il soit Saint, Bienheureux ou simple candidat à l’autel est porteur d’un message pour son temps. A chaque période de l’Histoire, Dieu fait naître des témoins de la foi pour qu’ils indiquent le Chemin à suivre, pour qu’ils nous montrent comment vivre pleinement la vocation chrétienne et conformer notre vie à l’Evangile. A notre époque, marquée par de grandes réalisations techniques mais également par la sécularisation et le libéralisme, Dieu envoie encore des témoins de la foi parmi lesquels figure donc maintenant Ivan MERZ. En tant que laïc, exerçant une profession laïque, il a montré qu’il était possible de vivre dans le monde tout en se consacrant totalement à Dieu en embrassant la vie évangélique.

 

Ivan MERZ est né le 16 Décembre 1896 à Banja Luka, une ville qui,  à cette époque,  faisait partie de la monarchie austro-hongroise. En 1914, il termine ses études  secondaires et passe son baccalauréat dans sa ville natale. Ses études supérieures à peine commencées à Vienne, il est  mobilisé et, au moment où la première guerre mondiale  éclate, on l’envoie sur le front italien. Ivan vit alors une conversion totale à Dieu. Après la guerre, il poursuit ses études de littérature à Vienne et les achève à Paris. Il revient à Zagreb en 1922 et devient professeur de langue et de littérature française en Lycée. C’est l’époque où il soutient une thèse de Doctorat à l’université de Zagreb sur l’influence de la liturgie sur les écrivains français. Tout son temps libre est consacré à l’éducation de la jeunesse catholique dans différentes organisations. Il propage en Croatie les idées de l’action catholique de Pie XI et travaille, en tant que laïc, au renouveau de la liturgie. Il enseigne l’amour du Pape et la fidélité aux enseignements de l’Eglise.

 

        Comme laïc, Ivan Merz se consacre totalement au Christ et fait vœu de chasteté éternelle. Sa vie est remplie par la prière, il reçoit l’eucharistie tous les jours et fait un effort permanent pour atteindre la perfection chrétienne. Alors qu’il meurt le 10 mai 1928, il a déjà la réputation d’un  saint. Après sa mort,  l’exemple de sa vie devient rapidement «un programme de vie et de travail» pour toute une génération de la jeunesse catholique croate et, du fait de ses origines, de sa formation intellectuelle, de sa culture et de sa vie de saint, son rayonnement dépasse vite les frontières de son pays natal.  Alors que nous nous dirigeons vers l’unité de l’Europe, Ivan Merz est un modèle d’engagement chrétien et de sainteté pour notre temps, au-delà des frontières de la Croatie. Examinons de façon plus détaillée les différents aspects du message que Dieu nous envoie à travers la vie de ce Bienheureux.

 

 

  1. - Ivan MERZ, témoin  de l’Invisible.

 

       Tandis qu’il prenait congé  de l’équipe de tournage du film documentaire consacré à Ivan MERZ, le Cardinal KUHARIC a déclaré : « L’existence de saints sur la terre est une preuve de l’existence de Dieu, plus grande que les étoiles dans le ciel. » Il ne pouvait pas mieux conclure le très beau témoignage qu’il avait alors consacré au Bienheureux.

 

      En effet, par leur vie de foi et leurs actions dédiées à Dieu,  les saints sont avant tout les témoins de Son existence et de la réalité du monde spirituel ou surnaturel dans lequel ils sont plongés. De nombreux amis et contemporains du Bienheureux Ivan MERZ en ont été témoins.

 

     Pour le cinquième anniversaire de sa mort,  le mons.  Cedomil Cekada a publié un article intitulé « Notre saint en habit civil » où il affirme notamment  à propos de MERZ :  «La charité et le monde spirituel sont,  pourrai-t-on dire avec audace,  prouvés de façon expérimentale par MERZ.  Le développement de sa  foi et la maturation de son ascèse, surtout au début de son cheminement spirituel, n’ont aucune explication naturelle.  Si nous ne voulons pas abandonner le principe de la raison suffisante, nous devons admettre chez lui la métaphysique de la charité et du monde invisible.  Elle imprègne de  manière croissante son existence ; sans elle, on ne peut absolument pas comprendre MERZ ». [1]

 

     Le Cardinal Franjo SEPER, qui a personnellement connu Ivan MERZ -il a  même été son ami- a affirmé dans la déclaration qu’il a faite lors du procès de canonisation :  « Dans ma vie,  je n’ai rencontré que deux personnes qui, par leur seule apparence,  produisait un effet particulier et faisait naître autour d’eux une atmosphère surnaturelle.  Ivan MERZ était l’un d’eux. »

 

      De son côté, Marica Stankovic, la collaboratrice d’Ivan Merz, très active dans le monde catholique, a déclaré : « On sentait la présence divine sur lui. Il l’apportait partout où il passait. Lorsque nous étions près de lui, nous le sentions de façon concrète. C’est pourquoi il suffisait d’un regard de MERZ,  d’une rencontre avec lui pour que l’âme la plus tourmentée s’apaise et se console. »

 

      Le français Irénée HAUSHEER, jésuite et professeur à l’Université pontificale grégorienne de Rome a connu Ivan MERZ et l’a rencontré plusieurs fois à Banja Luka,  à Paris et à Rome. Au cours du procès de canonisation,  il a donné un témoignage particulièrement important dont voici un extrait : « Que cela se comprenne ou non, près de lui, on sentait une présence divine particulière.  Les Croates ne devraient pas permettre que s’éteigne le souvenir d’Ivan MERZ, un homme d’une telle intelligence,  d’une culture si vaste,  qui,  au milieu du monde,  a vécu une vie divine,  la vie de l’enfant au sens évangélique.  Par cette simplicité même,  par son abandon paisible à la bonté divine,  le seul Bien,  il multipliait son énergie au service du Bien.  Un tel exemple si beau,  si édifiant ne devrait pas être oublié ni en Croatie ni ailleurs.  Que ses compatriotes remercient Dieu de leur avoir donné en lui un tel modèle de véritable chrétien et de protecteur. »

 

 

2.  -  La lutte  pour la perfection.

      

       La  première caractéristique de la vie  intérieure d’Ivan MERZ tient à la sincérité de sa conversion et à la profondeur de son expérience spirituelle.  Il est parvenu peu à peu à faire mûrir sa foi, guidé par la grâce invisible de Dieu, à travers les crises de la jeunesse et les errements propres à tout jeune homme qui se construit. Il a décrit cela de façon détaillée et impressionnante.

 

       En feuilletant les pages de son journal,  nous pouvons en effet le suivre  à travers les aveux de ses faiblesses tout au long de son ascension spirituelle et de son développement personnel. Nous suivons sa lutte contre le péché, ses hésitations, ses raisonnements et son expérience de la souffrance au cœur de laquelle la grâce de Dieu l’accompagne et  lui permet d’affermir sa foi.  A l’instar du Bienheureux Cardinal Alojzije STEPINAC, Ivan Merz a été transporté au cœur de la tempête de la première guerre mondiale. C’est précisément la participation d’Ivan à la guerre, sur le front, où, chaque jour, il côtoie la souffrance et la mort, qui le convertit, qui le fait adhérer à Dieu et à la vérité définitive de la foi catholique. Il a exprimé cela dans son journal de façon convaincante. D’autre part, pendant ses études à Paris, après la guerre, il écrit à sa mère : « Tu sais que ma vie à l’université à Vienne,  puis la guerre,  les études et enfin Lourdes m’ont complètement convaincu de la vérité de la foi catholique ; pour cela, toute ma vie est tournée vers le Christ, Notre  Seigneur. » [2]

 

     En même temps qu’il se convertit et qu’il adhère pleinement à Dieu et à la foi catholique, dans laquelle il trouve la vérité totale et la valeur suprême qu’il recherchait sincèrement quand il était lycéen et étudiant, Ivan se sent profondément appelé à embrasser des valeurs morales qui l’aideront à parvenir à la perfection et à la sainteté. A ce sujet, il nous a aussi laissé dans son journal des notes précieuses qui témoignent de la lutte intérieure qu’il a menée pour surmonter les faiblesses de son corps et les tentations. Il a en effet accompli de nombreux efforts ascétiques pour atteindre l’idéal chrétien de la perfection. Il écrit ainsi :

 

 «Il n’est pas suffisant de croire. Notre foi doit être le système, elle doit indiquer le chemin de la vie pour que nous n’agissions pas contre les principes de Justice et d’Eternité. Et je dis – aut catholicus aut nihil – ou catholique ou rien. Je sais et je ressens que le catholicisme est l’unique vraie  foi.»[3]

 

«Je ne dois pas vivre comme je vivais avant guerre. Je dois commencer une vie nouvelle, régénérée, selon l’esprit de ma connaissance nouvelle du catholicisme. Que le Seigneur seul m’aide,  car l’homme seul ne peut rien.»[4]

 

«La lutte pour la perfection et l’ascèse doit être notre pain quotidien. Elle nous donne une vision intérieure, fait de nous des hommes non égoïstes,  soutient en nous la lutte contre le mal et nous donne la force de ne pas succomber.»[5]

 

 

3. –  Ivan Merz, un saint laïc

 

     A travers l’exemple du Bienheureux Ivan MERZ, Dieu  nous dit que, tout en étant laïc, les chrétiens peuvent atteindre l’idéal de la sainteté et de la vie évangélique. Ivan MERZ n’était ni prêtre ni moine. Il ne travaillait pas dans les structures de l’Eglise. Il exerçait un métier laïc, celui de professeur de français et d’allemand dans un lycée d’enseignement secondaire. C’est par ce travail qu’il gagnait son pain quotidien, comme Saint Paul qui, à une certaine époque,  exerçait le métier de fabricant de tentes pour ne pas être à la charge de la communauté chrétienne et pour que ses prédications sur Jésus-Christ soient plus convaincantes.

 

     Dans son encyclique du début du troisième Millénaire  «Novo Millenio Ineunte », Jean-Paul II donne aux fidèles catholiques un programme en 7 points. Le premier porte précisément sur la sainteté. Le Pape écrit à ce sujet : « Cet idéal de la perfection ne doit pas être mal compris,  comme s’il supposait une sorte de vie extraordinaire que peuvent vivre seulement quelques grands hommes de la sainteté. Les chemins de la sainteté sont multiples et adaptés à la vocation de chaque homme. Je remercie le Seigneur qui m’a donné de proclamer Bienheureux et Saints tant de chrétiens parmi lesquels il y a de nombreux laïcs qui sont devenus Saints dans des circonstances de vie des plus ordinaires. Il est temps d’offrir à tous,  de façon convaincante, cette mesure élevée de la vie chrétienne ordinaire.» (Novo Millenio Ineunte n° 30).

 

       Cela a été réalisé pleinement dans la vie d’Ivan MERZ. A travers ses travaux ordinaires,  il est devenu saint et s’est rapproché de Dieu. Il faut également insister sur le fait que la sainteté ne lui a pas été donnée  dès le début,  dès l’enfance. Il l’a conquise jour après jour. Guidé par la grâce de Dieu, il s’est progressivement élevé vers elle,  grâce à ses efforts,  ses initiatives,  sa lutte incessante contre ses propres faiblesses et toutes les souffrances qu’il a endurées pendant la première guerre mondiale. Il utilisait tous les moyens spirituels et ascétiques que l’Eglise recommande à  ceux qui aspirent sérieusement à la sainteté. Les résolutions qu’il prenait ainsi que les règles de  vie très strictes qu’il se donnait afin d’atteindre la  perfection et qu’il suivait déjà à Paris sont particulièrement émouvantes. Fidèle à ces règles jusqu’au bout,  il s’est approché de la mort avec elles, les emportant dans son missel franco-latin lorsqu’il se rendit à l’hôpital pour subir une opération à laquelle il succomba.

 

 

4. -  Ivan MERZ, un intellectuel catholique.

 

Ivan MERZ était laïc et possédait une culture universitaire de haut niveau. Il obtint un doctorat dans sa spécialité en  rédigeant une thèse sur l’influence de la liturgie sur les écrivains français. Il a ainsi réussi à concilier science et foi en montrant qu’il est possible d’avoir de profondes convictions religieuses -allant jusqu’à la sainteté- tout en atteignant un degré élevé de connaissances intellectuelles. Pendant sa courte vie, il a appris dix langues. Il avait, en outre, beaucoup de capacités dans quatre domains très différents : il a été professeur, il a occupé le poste d’officier dans l’armée, il avait de réels talents d’écrivain et  il possédait aussi les connaissances et les vertus d’un prêtre. Après avoir obtenu son doctorat dans sa spécialité, Ivan MERZ étudia en plus personnellement la philosophie chrétienne et la théologie sous la direction des jésuites. Il se préparait ainsi intellectuellement à son travail apostolique. Il écrivait aussi beaucoup. Il a publié de nombreux travaux, dont la plupart, restés à l’état de  manuscrits jusqu’à présent, sont progressivement publiés.

 

 

5. - Une vie spirituelle fondée sur l’Eucharistie et la Liturgie.

 

Ivan sait qu’il ne peut s’élever vers la sainteté chrétienne sans l’aide et la force de Dieu. C’est pourquoi, de tout son cœur, il cultive une vie de prière intense et fréquente les sacrements d’où il tire la force nécessaire pour réaliser son travail apostolique et atteindre la perfection chrétienne. Ivan MERZ fonde avant tout sa vie spirituelle sur la liturgie et le culte catholique, qui représente à ses yeux une véritable école de sainteté : « Chaque âme particulière, écrit-il, s’élève avec la liturgie. On peut dire que la liturgie est une pédagogie, au vrai sens du mot, car, grâce à elle, le croyant vit dans son âme toutes les phases de la vie éternelle du Christ.»[6] Ses considérations sur l’importance de la participation du croyant à la vie liturgique seront confirmées par Vatican II.

 

 Le cœur de la célébration et de la vie liturgique est l’Eucharistie. Cela  se vérifie dans la vie du Bienheureux Ivan MERZ. Son amour pour l’Eucharistie se traduisait avant tout par une participation régulière à la sainte Messe. Il recevait la Communion tous les jours. Il pratiquait fréquemment aussi l’adoration devant le Saint-Sacrement. La conscience de recevoir Jésus-Christ en personne remplissait son âme d’une grande joie. Joie qu’il a exprimé dans de nombreux écrits et dont ses proches étaient les témoins privilégiés. Au sujet de l’importance de recevoir la très Sainte Eucharistie, il écrit : « La Sainte Communion où votre corps et votre âme s’unissent à la divinité elle-même doit être le sommet de votre vie. Dans cet acte se trouve aussi le sommet de la liturgie toute entière. Toutes les magnifiques prières,  les chants,  toutes vos réflexions,  tous vos actes pendant toute la journée doivent être christocentriques et être dirigés vers cet unique instant de votre vie quotidienne : la Sainte Communion. Ainsi votre but ultime s’accomplit déjà sur terre et vous participez de la substance même de Dieu.»[7]

 

     Animé par une foi profonde, Ivan Merz éprouvait le pressant désir de devenir saint. Toute action apostolique doit être, selon lui, précédée d’une vie spirituelle intense . C’est ainsi que dans son célèbre article intitulé « Conquérir la jeunesse », il écrit : «Le fondement de notre travail apostolique et de notre succès est,  par conséquent,  en nous-mêmes,  dans notre rapport à Jésus qui doit vivre en nous. Quelles sont donc les qualités nécessaires pour, avant tout, nous construire nous-mêmes ? Il faut méditer tous les matins, participer souvent à la sainte Messe,  recevoir les sacrements,  examiner notre conscience et lire chaque jour les textes religieux. Si nous faisons cela,  Jésus vivra de plus en plus en nous,  de plus en plus fortement ; nous comprendrons mieux le sens de la vie et du salut et nous rendrons compte avec quel amour, notre Amour-Jésus,  aime chaque âme en particulier. » Bien sûr,  tout ce que le bienheureux Ivan MERZ recommandait aux autres, il le pratiquait d’abord lui-même ; de nombreuses personnes en ont témoigné. C’est d’ailleurs la raison du succès de son apostolat.

 

6. -  L’Amour de l’Eglise et du Pape.

    

         En parlant d’Ivan Merz, son ami D. ZANKO affirme : « Dans sa personnalité,  il n’y a pas d’idée plus forte que l’idée de l’Eglise (…) L’Eglise, continue-t-il, qui, à travers la papauté conserve la doctrine et l’unité, l’Eglise qui,  à travers la liturgie,  prie et offre le ‘sacrifice de louange’  au Père et grâce à laquelle le croyant vit dans son âme toutes les phases de la vie éternelle du Christ. La papauté et la liturgie sont les ailes de l’âme de MERZ. Ce sont les caractéristiques essentielles de tout son être ».[8] Sa vie spirituelle et son travail apostolique sont en effet caractérisées par une admirable fidélité, tel que le prouve son dévouement aux pasteurs de l’Eglise, au Pape d’abord et aux évêques ensuite. Il mettait à exécution leurs directives concernant le travail de l’Action catholique avec une énergie particulière. Ivan s’en est expliqué. Lorsqu’on lui a demandé, dans le cadre d’une enquête, pourquoi il aimait l’Eglise et le saint Père, il a donné la réponse suivante :  « Dans l’Eglise je vois l’image claire du très aimé Sauveur et de Jésus Notre Seigneur avec toutes ses perfections ; dans le Saint Père, je vois mon Dieu et mon Seigneur sous les apparences d’un homme.»[9] «L’Eglise est le magnifique reflet de l’immense Christ»[10] écrira-t-il dans son article programmatique sur le renouveau spirituel par la liturgie de l’Eglise. Ainsi, on comprend le grand amour de notre Bienheureux,  aussi fidèle que dévoué,  envers la sainte Eglise et ceux qui la dirigent.

 

 

7. – Ivan MERZ ,  apôtre zélé et infatigable.

 

Une connaissance intime de Jésus-Christ et de sa mission de Sauveur,  que l’Eglise -Son corps mystique- poursuit à travers l’Histoire, fait naître chez le Bienheureux Ivan la certitude que, lui aussi, doit participer activement à cette mission par son travail apostolique. C’est pourquoi il ne se contente pas de vivre sa foi entre quatre murs, que ce soient ceux de son appartement ou ceux d’une église. Il sort en public, va sur les chemins, se tient sur les places et dans les carrefours de la vie contemporaine.  Il fait des conférences, défend la religion et dit au monde combien sont édifiants les principes qui régissent sa propre vie.  « La religion catholique est la vocation de ma vie.»[11]  Cette phrase très connue, écrite par Ivan lors de son séjour à Paris, a été citée par le Pape Jean Paul II dans son discours prononcé à Split lors de sa deuxième visite en Croatie.

 

     Cette vocation, l’honorable serviteur de Dieu l’a réalisée de façon admirable et héroïque. C’est pourquoi l’Eglise a voulu le donner en modèle pour montrer aux laïcs comment atteindre l’idéal de la sainteté et de l’apostolat engagé. Le Bienheureux Ivan MERZ vivait sa vocation de différentes manières. A son retour de Paris, après ses études, c’est-à-dire au début de sa vie  active, Ivan s’implique énergiquement dans le travail réalisé par les organisations catholiques  destinées à la jeunesse et devient leur principal animateur spirituel et leur maître à penser.[12] Son zèle apostolique naît alors d’une vie spirituelle intense :  « L’essence de chaque apostolat, rappelle-t-il, doit être la lutte contre le péché. C’est le cadre principal dans lequel entrent les autres sortes d’apostolats purement religieux, éducatif, politique, économique et social. Celui qui combat dans les rangs de l’Eglise a un seul ennemi : le péché. Tout le reste,  ce sont des choses indifférentes dont il faut se servir pour vaincre le péché et promouvoir le salut des âmes. »[13]

 

           Ivan MERZ répond avec promptitude à l’appel du Pape Pie XI quand il lance l’Action Catholique, encourageant la participation active des laïcs à l’apostolat de l’Eglise. Il propage ses idées énergiquement. A son retour de pèlerinage à Rome pour l’année sainte du jubilé, en 1925, où il a emmené une centaine de membres de l’organisation catholique des Aigles, Ivan MERZ écrivit après sa rencontre avec le Pape un article sur les fruits de ce pèlerinage, dont voici un extrait : « L’Eucharistie et le Pape doivent être la racine, la source et le fondement des Aigles. Il faut donner l’Eucharistie et le Pape à notre peuple. Quand les Aigles auront réussi à faire de ces deux idées la reine de l’âme populaire Croate, ils pourront alors, l’âme en paix, dire avec Saint Paul : j’ai livré un bon combat. C’est l’unique et la plus solide base sans laquelle tout travail est condamné à l’effondrement. Les Aigles ont, à nouveau, pris conscience de cela lors de leur pèlerinage à Rome.»[14] 

 

Le décret du Vatican évoquant les vertus héroïques d’Ivan et soulignant son ardeur apostolique, reprend  les phrases suivantes :  « Parce que Jésus désire et s’inquiète pour chaque âme en particulier et parce que chaque âme est créée pour la béatitude éternelle, ce désir de l’âme de notre prochain passe de Jésus à nous et, en nous, naît le désir de déposer toutes ces âmes dans les bras de Jésus pour lesquels elles ont été créées. »[15] Le Bienheureux Ivan a exprimé une pensée semblable dans l’une de ses lettres destinée à l’Archevêque de Sarajevo, Ivan. Ev. Šariæ du 3. 5. 1925. : « Nous les aigles, nous nous sommes mis au service de la Sainte Eglise, prêts, avec la grâce de Dieu, à aider à répandre le Royaume de son Divin Fiancé. Nous n’avons pas de buts secondaires, mais un seul, principal : unir à Jésus le plus d’âmes possibles. C’est pourquoi nous nous soumettons absolument à nos évêques pour cette question comme pour toutes les autre.»[16] Ce zèle apostolique pour le salut des âmes et particulièrement pour l’éducation de la jeunesse, l’honorable serviteur de Dieu Ivan l’a couronné à la fin de sa vie par un acte particulier. Conscient que Dieu lui demandait de mourir jeune, il a délibérément offert sa vie en sacrifice pour tous les jeunes Croates engagés dans l’organisation des Aigles. Lors de la commémoration du cinquième anniversaire de sa mort, on a déclaré publiquement : « Il n’a jamais mis une soutane et il était le pilier de l’Eglise de Dieu.»[17]

 

8. -  Ivan Merz,  éducateur de la jeunesse.

 

Le Bienheureux Ivan MERZ était professeur dans l’enseignement secondaire. Soucieux de bien faire son métier, il jouait, en plus, auprès de ses élèves un véritable rôle d’éducateur, tel que bon nombre d’entre eux en ont témoigné. «Il était plus notre éducateur que notre professeur », écrivit à son sujet son élève Nikola Kralj. En outre, Ivan MERZ s’est particulièrement  impliqué au sein des organisations catholiques pour la jeunesse. Il s’y est investi, comme nous l’avons dit, dès son arrivée à Zagreb après ses études. Il fut élu président de l’Union Croate catholique de la jeunesse, puis vice-président et secrétaire de l’Union Croate des Aigles. Il fut aussi membre de la Congrégation de Marie, où il exerça les fonctions de secrétaire jusqu’à sa mort. C’est  justement dans son travail apostolique auprès des jeunes que le mérite d’Ivan fut le plus grand. Il faut souligner ici l’importance du programme apostolique qu’il a rédigé dans la préface du manuel des Aigles intitulé «Le livre d’or».  Dans ce document, qui n’a pas été compris immédiatement par son entourage, le Bienheureux Ivan MERZ expose toute la nouveauté de son action. Quelques années plus tard seulement, il publia ce programme dans un article. Programme qu’il avait mis en application dès le départ.[18] Ivan Merz insistera sans cesse sur l’importance de la vie eucharistique et sur l’implication de la jeunesse et de ses organisations dans l’Action Catholique.

 

      Le Bienheureux croate nous a laissé dans ses nombreux écrits un héritage spirituel  important. Infatigable, il n’arrêtait pas d’écrire des articles, de donner des conférences et de propager partout les principes de la morale chrétienne. En tant qu’éducateur, Ivan ne souhaitait pas seulement que la personnalité des jeunes dont il avait la responsabilité se développe, il essayait de les  initier aux joies de la vie spirituelle, une vie de charité rythmée par la prière et les sacrements. Avec persévérance, il propagea l’enseignement de l’Eglise et la connaissance des documents pontificaux pour graver l’amour de l’Eglise et du Pape dans le cœur de ses contemporains et surtout dans le coeur des jeunes. Il lutta particulièrement pour sauvegarder la pureté de l’âme et du corps de la jeunesse. Il prononça à ce sujet des conférences, écrivit des articles et publia un opuscule pour les jeunes gens intitulé  « Toi et Elle ». Il a tant fait pour l’instruction des jeunes filles et la propagation des valeurs morales dans leur vie qu’elles le surnommèrent « le chevalier de l’honneur des femmes».[19]  C’est ainsi que les éducateurs et les enseignants – il en était un  – peuvent trouver dans son œuvre des préceptes chrétiens éclairant les buts de l’éducation, ses méthodes et les moyens  pour orienter l’élève vers la maturité humaine et chrétienne.[20]

 

9. -  Ivan Merz, un modèle pour les prêtres, les religieux et les laïcs consacrés.

        

A l’occasion du 50ème anniversaire de la mort d’Ivan MERZ, le Cardinal Franjo Kuharic déclara, dans son discours prononcé lors de la cérémonie solennelle du 26 septembre 1978 :  « MERZ a beaucoup à dire aujourd’hui à nos jeunes, à nos séminaristes, à nos théologiens, à nos religieux et religieuses et à nous prêtres et évêques. Vraiment, notre cher Aigle fut un apôtre, très peu de temps, six ans seulement, mais il a apporté beaucoup, il a fait beaucoup, il a embrasé de nombreuses personnes, car il brûlait lui-même de l’amour du Saint-Esprit qui s’enflammait en lui en ouvrant son âme pour accueillir Jésus comme Roi de son cœur et de sa vie et entrer dans son Royaume. »

 

Le Bienheureux Ivan, même s’il n’appartenait pas à l’ordre du clergé et des religieux, menait dans le monde une vie totalement consacrée à Dieu, comme il en avait fait le vœu, en tant que laïc. A 19 ans déjà, il avait fait vœu de chasteté jusqu’au mariage. A 27 ans (en 1923), quand il comprit que Dieu demandait tout son cœur, il fit vœu de chasteté éternelle. La dévotion d’Ivan Merz se manifestait non seulement par sa participation quotidienne à la sainte messe et à la sainte communion, comme nous l’avons déjà dit, mais aussi par la lecture du bréviaire divin, qu’il n’était pourtant pas obligé de prier. Tous les jours, il avait le chapelet à la main et pratiquait l’adoration devant le très Saint-Sacrement. Très souvent dans la semaine, il  méditait aussi le chemin de Croix, comme en témoigne son directeur de conscience, le Père.Vrbanek, dans la biographie qu’il a consacré au Bienheureux (Le chevalier du Christ, Ivan MERZ. Zagreb, 1943).

 

         Ivan Merz avait  fermement l’intention de fonder un institut séculier de laïcs consacrés à Dieu, sur le modèle de l’opéra du Cardinal Ferrari en Italie. Malheureusement, la mort l’en a empêché mais sa proche collaboratrice, qui l’épaulait dans son travail apostolique, a réalisé partiellement ce projet, dix ans après sa mort, en fondant la Communauté des collaboratrices du Christ Roi. Dans ses écrits, Marica Stankoviæ souligne explicitement qu’elle n’a pu créer cette communauté qu’avec l’aide d’Ivan, qui l’avait déjà préparée de son vivant en lui communiquant, par sa sainteté, la force morale pour accomplir cette œuvre.

 

10. -  Ivan Merz et l’expérience de la Croix. Un modèle pour ceux qui souffrent.

 

Les malades et ceux qui souffrent peuvent trouver en Ivan MERZ un merveilleux modèle qui leur apprend à supporter patiemment les difficultés quotidiennes, à aimer la Croix de Jésus et à la porter jusqu’à la fin de leur vie.  Ivan MERZ a connu la souffrance et la peine dès sa jeunesse et, sous diverses formes, jusqu’à la fin de sa vie. Il l’acceptait consciemment et l’offrait à Dieu. Ivan écrivit dans ses exercices spirituels :  « Mon Dieu, donne moi la force de devenir de plus en plus semblable à Toi, par une souffrance acceptée. En offrande, je me donne à Toi. Accorde-moi de recevoir le calice de la souffrance pour invoquer Ton nom sur cette terre et pouvoir ensuite te regarder face à face.»[21] Ou encore : « La vie confortable sans la Croix devrait pour moi être la plus grande honte ; c’est pourquoi je dois être heureux d’avoir des devoirs professionnels car la Croix, c’est l’état normal d’un soldat du Christ. Je dois les accomplir consciencieusement et les considérer comme la Croix de ma vie, ma crucifixion quotidienne, qui apporte la bénédiction dans le travail pour le salut des âmes au sein de l’action catholique.»[22]

 

Dans les derniers mois de sa vie, la Croix a particulièrement  pesé sur les épaules d’Ivan et il l’a portée jusqu’à la fin. Sa maladie (une inflammation du sinus frontal) l’a contraint à subir une opération. Le Bienheureux savait qu’il allait en mourir. C’est dans ces conditions qu’avant de partir pour son opération, il a rédigé son épitaphe en forme de testament. C’est à ce moment aussi qu’il a dit à son confesseur qu’il offrait le sacrifice de sa vie à la jeunesse croate de l’organisation des Aigles à laquelle il avait travaillé. Il était dans le même état d’esprit un jour avant sa mort. La suite des évènements a montré à quel point son sacrifice  a plu à Dieu. Après sa mort, des milliers de jeunes croyants croates ont pris Ivan MERZ  pour modèle en embrassant son idéal. C’est pourquoi  ils  déposèrent sur sa tombe une couronne de fleurs  portant cette  inscription, qui  dit parfaitement ce que représentait Ivan MERZ pour eux et ce qu’il représente toujours, aujourd’hui encore, pour la jeunesse : MERCI AIGLE DU CHRIST DE NOUS AVOIR MONTRE LE CHEMIN DU SOLEIL.

 

        Dieu a rappelé à Lui dans l’Eternité le Bienheureux MERZ  alors qu’il était suffisamment jeune pour devenir un exemple pour la jeunesse et suffisamment mûr pour  servir de modèle pour les croyants adultes, un modèle qui leur montre comment atteindre la sainteté et comment s’engager dans la construction du Royaume de Dieu, dès la jeunesse.

 

11. – La dernière profession de foi et l’attente de la miséricorde du Seigneur.

 

       Pressentant qu’il allait mourir, le Bienheureux Ivan, avant de partir se faire opérer, a rédigé son testament  dans la langue de l’Eglise, en latin. En fait, il s’agissait d’un projet d’épitaphe pour son monument funéraire. Ivan l’a appelé « Testamentum ». Ce fut aussi la dernière chose de sa vie qu’il ait écrite. Le testament fut retrouvé dans le tiroir de son bureau après sa mort. En quelques phrases, le Bienheureux y a résumé toute sa vie et sa foi dans l’avenir que lui promet Celui auquel il a cru et auquel il a consacré sa vie. Dans ces paroles,  ne transparaissent ni peur ni incertitude devant le Mystère vers lequel il se dirige. De chaque mot surgit au contraire un espoir serein et une confiance inébranlable en la Vie éternelle et dans la Béatitude que la religion catholique promet au croyant. Le texte de l’inscription – traduit en français- est le suivant :  « Mort dans la paix de la religion catholique. Ma vie était le Christ et la mort un bienfait. J’attends la Miséricorde du Seigneur et la possession indivisible, totale, éternelle du Très Saint Cœur du Christ. Ivan MERZ heureux dans la béatitude et la paix. Mon âme atteindra le but pour lequel elle fut créée. Dans Dieu le Seigneur.»

 

      Ce testament du Bienheureux Ivan est la conclusion merveilleuse de son existence et le couronnement parfait de sa piété. Avec lui, il a mis un point final au chef d’œuvre qu’il a fait de son âme et de sa vie, grâce à Dieu.

 

     On peut lire les mots de son testament sur la dalle en marbre de sa tombe dans la Basilique du Sacré-Coeur à Zagreb.

 

 

12. -  Succès devant Dieu et devant les hommes. L’exemple d’une vie réussie.

 

       Le Bienheureux Ivan MERZ a terminé sa courte vie terrestre  lors de sa 32ème année  après avoir obtenu,  tant sur le plan humain que sur le plan spirituel, d’incroyables succès. Après avoir  obtenu son baccalauréat à 17 ans et demi avec la mention «excellent», il a terminé ses études universitaires  avec brio après avoir «perdu » trois ans sur le front pendant la première guerre mondiale. Une fois ses études à Paris terminées, en 1922, il obtient un doctorat de littérature française à l’Université de Zagreb. Ensuite, il étudie personnellement, pendant deux ans, la philosophie chrétienne et la théologie. Il  connaisait donc dix langues et  avait les moyens intellectuels d’exercer quatre métiers différents : professeur, officier, écrivain et prêtre (même s’il n’était pas ordonné). De plus, il a beaucoup écrit. Ses œuvres complètes, que l’on a commencé à publier, feront dix tomes. Sur le plan humain, Ivan Merz eut donc une courte vie tout à fait réussie.

 

     Mais la raison pour laquelle nous nous souvenons et parlons de lui dans l’Eglise tient évidemment aux prouesses qu’il a réalisées pour la gloire de Dieu et pour l’Eglise. Ivan Merz a pratiqué les vertus chrétiennes avec héroïsme, il les a vécues intensément au point de sanctifier sa vie entière. Les victoires spirituelles qu’il a remportées durent  toujours et c’est pour  elles qu’il a obtenu au Ciel une récompense éternelle, c’est elles qui furent solennellement reconnues  par l’Eglise lorsque le Pape Jean-Paul II l’a proclamé Bienheureux dans sa ville natale de Banja Luka, le 22 juin 2003. Le chemin qui a conduit le Bienheureux Ivan MERZ vers le Soleil du Christ et qu’il montrait aux autres,  est le chemin qu’il faut suivre, il le sera toujours, car c’est le chemin qui conduit à Dieu et à la Sainteté.

 

 

13. – Ivan MERZ à la lumière du concile Vatican II.

 

Lors de la commémoration du 50ème anniversaire de la mort du Bienheureux à Zagreb, le 26-11-1978, le Cardinal Franjo Kuharic prononça ces paroles : « Quand nous lisons les documents du Concile, surtout ceux qui concernent l’apostolat des laïcs et la constitution de l’Eglise, nous voyons que tout cela vivait déjà en Ivan MERZ.  Il a réalisé tout cela bien avant le Concile car il a fait exactement ce que le Concile souhaite faire : vivre la vie authentique, généreuse de l’Evangile, suivre Jésus-Christ,  croire  en l’Eglise, en son mystère, là où sont constamment ouvertes les sources intarissables du Salut. Si, à l’époque actuelle, nous avions de plus en plus de si grands hommes de l’esprit, nous aurions un espoir plus serein dans l’avenir de notre Eglise et de notre peuple. » 

 

      Alfred Pichler, évêque de Banja Luka, ville natale d’Ivan MERZ, a exprimé des pensées analogues quatre ans auparavant,  lors de la célébration de la sainte messe à la cathédrale de Zagreb, le 10-5-1974, jour anniversaire de la naissance d’Ivan MERZ :  « Quand, il y a quelques jours, j’ai relu sa biographie j’ai été surpris car j’ai découvert que MERZ est exactement l’homme tel que le souhaite le Concile de Vatican II. Parmi les documents du Concile, il y a un décret sur l’apostolat des laïcs ;  le même sujet est traité dans la 2° constitution dogmatique sur l’Eglise. Dans ce document, il y a en fait des enseignements tout à fait nouveau à propos des croyants laïcs. Et j’ai compris  qu’Ivan MERZ est réellement un homme d’actualité. Lorsque le monde aura bien compris les décrets du Concile de Vatican II, MERZ sera connu et deviendra un homme encore plus actuel.  »

 

Dans la thèse de  doctorat qu’il a consacrée à Ivan MERZ, ce propagateur du renouveau liturgique, le Dr. Marin Škarica consacre un chapitre entier au rôle de précurseur qu’il a joué dans le domaine liturgique : « Quarante ans avant, Ivan MERZ a propagé et mis en pratique de nombreuses idées du Concile. Nous avons vu, brièvement, à quel point Ivan estimait la liturgie et comprenait son importance pour la vie spirituelle des chrétiens. Il s’efforçait aussi d’obtenir que les gens comprennent ce que le prêtre dit dans ses prières à la sainte messe et qu’ils y soient actifs. Après le Concile,  ces idées sont devenues le bien commun de l’Eglise ; elles avaient été mises en œuvre bien avant par MERZ. »

 

On peut lire, en outre, à la fin de la biographie d’Ivan intitulée «Le combattant venu des cimes blanches » (Zagreb, FTI  1971), un chapitre  («Actuel aussi après le Concile de Vatican II») où se trouvent de nombreux textes dans lesquels l’enseignement du Concile est comparé à ce que faisait et défendait Ivan MERZ. Vu à travers le prisme du Concile, son action la plus importante tient au rôle de pionnier qu’il a joué dans le développement de l’apostolat authentique des laïcs. Aujourd’hui, le Concile de Vatican II demande à chaque laïc de s’engager à élargir le domaine du Christ, ce qu’ Ivan MERZ a réalisé de sa propre initiative et avec la grâce de Dieu. En ceci, c’est un  exemple indépassable.

 

Cela a été reconnu officiellement par le décret du Vatican concernant les vertus héroïques d’Ivan, décret proclamé le 5 Juillet 2002, soit un an avant la béatification. Ce document officiel de l’Eglise commence par citer un passage du texte du Concile Vatican II relatif à l’apostolat des laïcs et l’applique à Ivan MERZ en montrant comment il réalisait déjà tout cela avant même le Concile :   « Ma vie est le Christ et la mort un bienfait. Ces mots que le serviteur de Dieu Ivan MERZ voulait qu’on grave sur sa tombe peuvent être considérés comme un résumé de sa vie qui fut toute entière remplie d’amour envers le Christ, de témoignage pour l’évangile ; par son action et ses paroles il illuminait son entourage de la lumière du Rédempteur Divin. Il a ainsi réalisé ce que dira plus tard le Concile du Vatican : ‘Le commandement de l’amour qui est le plus grand ordre du Seigneur oblige tous les chrétiens à agir pour la gloire de Dieu qui se réalise par l’avènement de son Royaume et pour la vie éternelle de tous les hommes afin qu’ils reconnaissent le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus Christ. Tous les chrétiens ont l’honorable fardeau d’agir pour que partout sur terre tous les hommes reconnaissent et reçoivent le message divin de salut.’» (Décret sur l’apostolat des laïcs, Apostolicam Actuositatem, AA N° 3).

 

La béatification d’Ivan MERZ  par le Pape Jean-Paul II à Banja Luka,  le 22 Juin 2003, n’est autre que la confirmation solennelle et la reconnaissance de sa sainteté et de l’actualité impérissable de son message qui, après le Concile Vatican II, vaut donc aussi pour notre temps.

 

14 – Un laïc catholique de dimension européenne.

 

Les origines et  la formation intellectuelle d’Ivan Merz font aussi de lui un bienheureux pour notre temps. Son père Mavro (Moritz), d’origine allemande,  venait de Tchécoslovaquie (Plzen) et sa mère Tereze était issue d’une famille juive de Hongrie (Nagy-Kaniza). Né en Bosnie, à Banja Luka, Ivan a étudié dans des universités européennes à Vienne et à Paris, les yeux sans cesse tournés vers Rome, le centre du catholicisme. Il a passé la Première guerre mondiale, pendant laquelle il vécut une profonde conversion, sur le front italien  après avoir fait son service militaire en Slovénie et en Autriche.  De retour à Zagreb, après ses études, il se consacra  entièrement à l’éducation d’un peuple slave – le peuple croate – ainsi qu’à sa jeunesse à laquelle il offrit solennellement sa vie en sacrifice avant de mourir. Il connaissait et pratiquait dix langues européennes : le croate, l’allemand, le français, l’italien, l’anglais, l’espagnol, le tchèque, le hongrois, le slovène et le latin.

 

En définitive, à la croisée des mondes slave, germain et romain, Ivan réunissait en lui les différents peuples et les différentes cultures de l’Europe. Europe unie en une seule personne, pourrions nous dire, unie et unifiée par la religion catholique. Ivan MERZ, laïc de dimension européenne, conciliait donc, du fait de ses origines et de sa formation intellectuelle, les peuples et les cultures européennes  mais c’est surtout par sa personnalité de saint qu’il a dépassé les frontières de sa patrie. Il  va sans dire qu’au moment où l’on construit l’unité de l’Europe, qui devrait être fondée sur les racines chrétiennes communes aux peuples européens -ainsi que le souligne souvent Jean-Paul II- l’exemple d’Ivan est très précieux.

 

 

15. La nationalité croate d’Ivan MERZ.

 

On se demande souvent de quelle nationalité était Ivan MERZ, car son nom n’est pas un nom croate. En réalité, le père d’Ivan, Mavro Merz, officier austro-hongrois et allemand d’origine était originaire de Plzen, un village de Tchéquie, la grand-mère paternelle d’Ivan étant elle-même tchèque. Quant à la mère d’Ivan, Terezija  Merch, elle était originaire de Nagy Kaniza en Hongrie. Les parents d’Ivan ont immigré à Banja Luka, ville natale de notre Bienheureux. C’est là qu’il a grandi, qu’il a été élevé dans le milieu bosno-croate comme citoyen de l’empire austro-hongrois d’alors. L’amour d’Ivan envers le peuple croate, son histoire et sa culture s’était déjà développé pendant ses études secondaires, notamment sous l’influence du professeur Ljubomir Marakovic. Après la dissolution de l’empire et la création du nouvel état, Ivan choisit sciemment d’appartenir au peuple croate. Avec ses parents, il adopta donc la citoyenneté du nouvel état. Parmi les documents qui nous sont parvenus se trouve son certificat de nationalité, délivré à Zagreb le 12-1-1922. Ivan était alors encore étudiant à Paris. Il y est écrit : « CERTIFICAT DE NATIONALITE (Croatie et Slavonie N° 34) par lequel la Mairie de la ville libre et royale de Zagreb certifie que Ivan MERZ possède la nationalité dans la ville de Zagreb et est citoyen à part entière du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes.» 

 

Même si, par le sang, en quelque sorte, Ivan MERZ n’était donc pas croate, il l’était «doublement » du fait de sa décision d’appartenir au peuple croate d’abord mais aussi et surtout à cause du don de sa vie et de tous ses talents pour le bien spirituel de ce peuple et de sa jeunesse en particulier. La suite des évènements a montré à quel point le sacrifice d’Ivan fut cher à Dieu et fécond : son nom est devenu un programme de vie et d’action pour des milliers de jeunes catholiques  croates qui ont suivi son chemin et  mis en pratique son enseignement en s’engageant dans la vie chrétienne et l’apostolat. Mentionnons également que les nombreux articles qu’Ivan MERZ a publiés témoignent de la sincérité de son patriotisme.

 

En somme, la manière dont Ivan MERZ a forgé son identité est à la fois profondément chrétienne et étonnamment moderne, au sens positif du terme. Il croyait non pas à l’Europe des races où chacun est identifié à ses origines mais à l’Europe de l’Esprit, qui rassemble, au-delà des frontières, tous les hommes de bonne volonté prêts à contruire la civilisation de l’Amour. A l’instar de la Sainte Vierge Marie, de Saint Joseph, des Saints Apôtres, de Saint François, de Saint Antoine, et de tant d’autre élus de Dieu que nous célébrons et dont nous admirons l’amour de Dieu et des hommes, Ivan Merz s’illustra par des œuvres qui ont pris les dimensions de l’universalité.

 

     

 


 

[1] CEKADA : Notre Saint en habit.Revue Catholique.Sarajevo 1933 n° 19 page 4

[2] I.Merz: Lettre de Paris à sa mère, 20. 10. 1921.

[3] I. Merz: Journal,  17-5-1915.

[4] I. Merz: Journal dans la guerre,  5-12-1918.

[5] I. Merz:  «Nouvelle époque» Luc,  n° 9-10-1919,  pages 219-214.

[6] I. Merz: «Le renouveau spirituel par la liturgie »,  Luè,  n°1,  1924,  pages 11-17.

[7] I. Merz: «Le renouveau spirituel par la liturgie »,  Luè,  n°1,  1924,  pages 11-17.

[8] Dušan Žanko: «L’âme d’Ivan Merz »,  Život,  n°5 1938. ,  page 250.

[9] I. Merz: «Le renouveau spirituel par la liturgie »,  Luè,  n°1,  1924.  

[10] idem

[11] I. Merz: Lettre de Paris à sa mère,  6-11-1921.

[12]Il s’agissait des organisations suivantes : L’Union catholique croate des jeunes dont Merz fut président, l’Union croate des Aigles dont il était un des fondateurs et le secrétaire,  la Congrégation de Marie dans laquelle il exerçait les fonctions de secrétaire.

[13] I. Merz: Notes dans Exercices spirituels,  28-3-1926.

[14] I. Merz: «Les Aigles à Rome»,  Katolièki tjednik,  Sarajevo  n°13,  1925,  5-6.

[15] I. Merz: «Gagner la nouvelle génération»,  Luc n°1-2,  1923 pages 14-16.

 

[16] I.  Merz: «Le chemin vers le Soleil »,  Zagreb FTI 1993 page 139. 

[17] Cedomil CEKADA: «Notre saint en habit civil » Katolièki tjednik,  Sarajevo  n°25,  1933,  pages 8-9.

[18] Ivan Merz:  »l’Histoire des Aigles » Katolièki tjednik,  Sarajevo  n°25,  1927,  pages 8 et  9.

[19] Marica Stankovic: «Le Chevalier de l’honneur des Femmes »,  Za vjeru i dom (Pour la foi et le foyer),  no.  7 à 12,  1937-1938

[20] Bozidar Nagy: «Ivan Merz,  éducateur de la jeunesse chrétienne »,  Kateheza (Catéchèse),  KSC,  Zagreb,  XXI/1999 n°3 pages 254-269.

 

[21] I.  Merz,  Notes dans Exercices spirituels,  9-11-1923.

[22] I.  Merz,  Notes dans Exercices spirituels,  8-3-1926.