DURANT LA PREMIERE GUERRE MONDIALE

 

En février 1916, Ivan part à l’armée et, suite à des cours d’officier, il est envoyé sur le front italien où il reste jusqu’à la fin de la guerre. C’est en lisant son journal, qu’il a réussi à écrire même au front, que l’on réalise le plus clairement la façon dont il a vécu la guerre et ses horreurs. Regardant tous les jours la mort en face en étant exposé à des souffrances de toutes sortes, Ivan s’est approfondi son opinion sur le monde. Ses doutes et ses hésitations ont peu à  peu disparus face à la souffrance et à la mort. La religion chrétienne se révèle être la seule valeur qui puisse vaincre le mal qu’Ivan  a vécu et vu autour de lui. A la fin de la guerre il écrira à son père ces paroles significatives : “Je remercie Dieu pour m’avoir permis de participer à la guerre, car elle m’a enseigné énormément, tant de choses que je n’aurai jamais appris sans elle. Je souhaite de tout cœur devenir à nouveau libre et pouvoir régler ma vie selon ce que je reconnais maintenant comme vrai.”

 

Extraits de son journal de guerre

Graz, le 18 mars 1916 – Il est fort probable que je vais moi aussi partir sur le front. En vérité, pour tous dire, je n’ai pas peur de la mort, car là-haut est le vrai royaume. Seulement je ne me suis pas encore fait à l’idée que je vais y aller, et je ne suis pas conscient que je vis vertueusement… Mais, j’ai toujours été contre la guerre. Je préfèrerai serrer tous les hommes dans mes bras et les réconcilier entre eux…

Graz, le 27 mars 1916 – Maintenant, j’ai besoin de force spirituelle, j’ai besoin d’en puiser de l’intarrissable source d’amour, de l’immense puissance de l’Eucharistie, qui illumine l’âme, qui est plus lumineuse que le jour, qui se transforme en sastifaction spirituelle, qui calme en sensation de quelque chose inconnu et infini. Je voudrais tellement, de toutes mes forces de nouveau aller vers cette Source.O Deus,adiuva me ! (O mon Dieu, aides-moi !).

Zingarella, le 18 mai 1917 – La  douleur, la souffrance, la vie de tant de milliers de défigurés, de morts et d’hommes qui ont tant souffert, lavent de toute évidence tout ce qui est passagé chez l’homme, et suggère énergiquement un sens à la vie. Ce peu de douleur, que j’ai enduré, cette première peur devant les balles de fusils et les éclats d’obus, sur le chemin menant à la brigade, me rappelle toujours les paroles du Seigneur : “Pourquoi avez-vous peur, est-ce que vous ne croyez pas encore ?” Mais de quoi avoir peur ? Lui là-haut, Il sait déjà ce qu’il va advenir de moi, Il m’aime immensément, donc Il sait s’il est préférable pour moi de mourir ou de continuer à vivre. Mais de quoi avoir peur puisqu’Il trace mes chemins ! Il est bon de vivre en  Le louant éternellement sans se soucier d’un danger de mort.

Monte Rasta, le 5 octobre 1917 – Je suis poursuivi par mes désirs, le combat et l’instabilité me minent… Quand viendra le temps de la gloire perpétuelle et de la rédemption éternelle ? Quand verrons-nous l’Agneau réssucité et l’éclat de sa Mère éternellement belle, qui s’étend par-dessus tous les mondes ? Quand, quand seront nous unis dans le chant des chœurs célestes, quand nous perdrons-nous dans l’éternel chant Sanctus, Sanctus, Sanctus, enveloppés par la clarté divine ?

Fonzaso, le 5 février 1918  – Ne jamais oublier Dieu ! Aspirer à s’unir à lui. Utiliser chaque jour – de préférence l’aube – pour penser et pour prier, si possible à proximité de l’Eucharistie ou au cours de la Sainte Messe. Cette heure doit être la source du jour, et durant cette heure il est bon que l’homme oubli le reste du monde, qu’il refoule tous les soucis du monde, tous les énervements de la vie, qu’il soit paisible comme dans un berceau. Pendant cette heure on se doit de planifier la journée à venir, réfléchir à ses propres erreures et prier afin d’obtenir miséricorde pour maîtriser toute faiblesse. Il serait affreux que cette guerre ne  me soit d’aucune utilité spirituelle ! Il ne faut pas que je vive comme je vivais avant la guerre. Je dois commencer une vie nouvelle et régénérée dans l’âme du catholicisme tel que je le perçois maintenant.

Vienne, le 9 avril 1918 – Mais que vais-je devenir ? C’est une question embarrassante, qui me préoccupe voilà déjà un bon moment. Je m’intéresse à la littérature et à l’art même si cela ne m’exalte plus… Nous ne sommes que provisoirement sur cette terre…un instant et nous ne sommes plus, et cette vie n’a de sens que dans la préparation de l’autre. Il en est ainsi pour la vie des peuples et de l’humanité… C’est la vérité, la littérature n’est pas tout. La littérature, l’art, ne sont que des détails de cette grande œuvre : le Royaume de Dieu. Toutes les professions ont la même valeur au yeux de Dieu, seulement il faut travailler selon Sa volonté… Etre un catholique pratiquant doit être mon but… Mon Dieu, éclaire moi pour que j’atteigne bientôt ma forte résolution ! Que Ta volonté s’accomplisse, car ici nous ne sommes que seulement des voyageurs, et dans notre vraie patrie on ne nous demandera pas si l’on est professeur ou maçon. Mais il est bon d’être quelque chose !

Fontanel, le 20 mai 1918 – Les infirmiers passent sous la fenêtre, transportant sur un brancard,  un cuisinier baigné de sang. Il est recouvert d’une couverture. Son visage est rouge, rouge, rouge – sang, sang, sang, que je ne peux même pas reconnaître les traits de son visage… Mysterium vitae – un homme baigné de sang. Depuis Adam jusqu’à  aujourd’hui des millions de personnes ont souffert et souffrirons jusqu’au jour du jugement dernier…

Fontana Secca, 28 mai 1918 – Que la Reine de mai me pardonne, parce que je pense si rarement à Elle. Mon Dieu, Mon Dieu, qu’il  y ait plus de personnes mystiques !

Solarol, le 13 juillet 1918 – L’autre jour j’ai vu un prêtre. Mon plus grand désir était d’embrasser les mains qui tenaient le Christ..Oh mon Dieu, que je souhaite être déjà chez toi !

Le mieux serait que de la flamme de ta Miséricorde tu brûles les parasites du péché, qui se sont infiltrés dans mon âme, et qu’ainsi ce soit bon et saint que je me présente à Toi, ou alors qu’au moins, durant ma vie, je sois inspiré par une sainte joie et une volonté surhumaine. Il est facile d’écrire, mais si difficile de vivre saintement !

Solarol, le 4  aoüt 1918 – Le jour le plus heureux sera celui ou mon père et ma mère deviendront de bons chrétiens, celui où notre famille deviendra catholique…