VERS L’ETERNITE

 

La rencontre avec la souffrance

 

       Dès sa jeunesse, Ivan rencontre la souffrance dans sa vie. Sa première grande expérience de la douleur, il l’a vécu lors de la mort de la jeune fille qui a fait naître son premier amour juvénile et idéal. Sa plus forte rencontre avec la souffrance, Ivan l’a subit au front durant la première guerre. Cette conjoncture, entre le mal et la mort, a été pour Ivan un gain.  C’est la guerre qui a contribué, le plus, à l’approfondissement de son image du monde lui permettant de saisir toute la vérité de la foi catholique - nous pouvons nous en rendre compte en parcourant ses merveilleuses notes de son journal.

       Le mal et la souffrance se mèlent aussi dans la vie d’Ivan après la guerre, l’accompagnant ainsi jusqu’à sa mort. La maladie de ses yeux en liaison avec son inflamation de la cavité frontale, attaquent progressivement sa santé.

       De quelle manière Ivan a pu entrer profondément dans la signification de la souffrance et du sacrifice afin de découvrir leurs valeurs, nous nous en apercevons le mieux dans sa lettre adressée à  son ami Drago Marosevic, malade à mourir :

“Je sais, que souffrir est très pénible, mais certaines personnes ont la vocation de la souffrance. Comme nous faisons partis du corps du Christ, nos rôles sont en lui divers. Les uns doivent peiner afin d’enlever le châtiment Divin qui peut frapper notre entourage. Huysmans appellerait ces élus les paratonnerre mystiques. Ne t’est-il jamais venu à l’esprit que tu peux souffrir pour notre mouvement ? As- tu offert ta peine à notre Seigneur-Christ pour notre engagement ? Le catholicisme ne pourrait se propager si il n’y avait pas des Travailleurs, des Prieures, des Souffrants. C’est une loi pour l’élargissement du Royaume Divin sur terre. Notre mouvement a crée, jusqu’à ce jour seulement, le premier type (travailleur) et nous, nous avons fait dans nos âmes un idéal de ce travailleur pour le Mouvement Catholique. Nous avons moins prié, nous n’avons soufferts que lorsque nous y avons été obligés. Ce dernier type est certainement le sommet – l’imitation du Sacrifice entier du Sauveur sur la Croix. J’aperçois déjà un nombre considérable de souffrants dans notre mouvement. Comme il n’y a pas de hasard, le plan de la Providence et justement de nous faire connaître ce mystère de Sa vie : souffrir pour autrui.”

A une jeune institutrice malade, Ivan conseille de prend des soins, en ajoutant : “Si le Seigneur souhaite que vous souffriez sans pour cela guerrir, il est bon de se remettre entre ses mains, car même le plus petit des bacilles ne se déplace pas sans la présence et action du Seigneur. Vous même, vous le savez mieux que moi, que par la souffrance, nous pouvons faire plus pour la propagation du Royaume de Jésus que par le grand travail, les discutions  des scientifiques, les splendides discours et articles. Si Jésus vous a choissi pour être apôtre dans la souffrance, je reste convaincu qu’il vous donnera aussi la force pour bien réaliser votre apostolat avec la participation de votre volonté. Avec nos yeux terrestres peut-être ne verrons nous pas les fruits de cette souffrance, mais là-haut, dans le Cœur Divin, nous apparaîtra le nombre d’âmes sauvées grâce à celles-ci; à combien d’actions catholiques ont-elles été bénéfiques.”

Ivan n’a pas seulement donné que de bons conseils, il possèdait également une profonde et ferme attitude chrétienne envers la croix, ce qui était le plus évident dans son comportement, plus particulièrement lors de sa maladie. Dans ses notes rédigées lors de sa retraite en 1926, il nous dit : “Luttant sous la conduite du Roi crucifié, je dois, jusqu’à la fin de ma vie, perpétuellement subir la cruxification. La Fiancée  de Jésus, durant des siècles, a été consécutivement clouée sur la croix; et moi je dois être un participant à cette glorieuse ressemblance. La vie sans croix – confortable  - doit pour moi être la plus grande des hontes. Pour cela je dois être heureux et considérer normale ma situation comme  soldat du Christ qui m’empêche suffisamment de travailler et d’étudier, rendant difficile mes devoirs professionnels. Décisions : faire très sérieusement ses devoirs professionnels, et cela en le considérant comme croix de ma vie;  je ferais cela pour ma quotidienne crucifixion, qui apportera bénédiction pour le salut des âmes dans l’Action Catholique.”

 

Sacrifice de la vie pour la jeunesse croate

       Ivan se plaignait de mal voir depuis son enfance. S’ajouta à cela un mal de dent persistant. La maladie l’a donc suivi continuellement et souvent en empêchant son élan pour ses études et son travail. La dernière année de sa vie, il a sérieusement été malade par intermitence. Il a attrapé une inflammation aïgue de la cavité frontale, l’obligeant à subir une opération chirurgicale. Durant les quelques mois lui restant à vivre il a noté plusieurs pensées significatives dans son journal, il n’écrivait plus rien depuis Paris. Ces pensées nous apprennent beaucoup sur son état spirituel et de son humeur avant son départ de ce monde.

       21 janvier 1928 - Tout pour la gloire du Très Saint Sacré-Cœur.

       13 février 1928 -  Sur nous repose une croix assez grande. J’ai attrappé une inflammation aïgue de la cavité maxiliaire. Il m’ont encore retiré une dent, aujourd’hui. Maman a de très fortes peines. Cependant je vois qu’elle prie assez et de bon gré. Hier soir nous avons fait, en quelques sortes, un vœu – Chaque fois que la situation le permet, nous allons ensemble prier un chapelet. Surprenant : notre souffrance peut faire naître des miracles en ma maman qui, depuis, prie assez facilement, même le chapelet. Elle dit elle même qu’aujourd’hui elle a fait une centaine de Notre-Père et de Je Vous salue Marie. Justification expérimentale que la souffrance est le moyen le plus fort qui sauve et sanctifie les âmes. Heureuses les âmes qui, avec joie, reçoivent des mains du Seigneur chaque douleur et, unifiées avec Jésus, offrent leur douleur pour l’élargissement de l’Eglise de Jésus dans les âmes et dans la société.

       15 février 1928 – C’est facile, chaque jours, de recevoir la sainte Communion et de se délecter du Seigneur. Oh, que c’est âcre lorsque l’homme est obligé de mordre et manger le bois dur de la sainte croix. Il m’ont de nouveau, aujourd’hui, retiré une dent.

 

       La maladie s’est développée de telles manières qu’Ivan doit subir une intervention chirurgicale. Avant l’opération, Ivan s’est rendu chez son guide spirituel, le père Vrbanek. Il sentait clairement qu’il allait mourir et que Dieu demande, de lui, le sacrifice de sa vie pour la jeunesse avec laquelle il travaillait. Devant cette attitude, son confesseur ne pouvait que l’encourager en ce sens, et le consoler comme il le pouvait. Se souvenant des paroles de l’Evangile sur le grain de blé qui doit tomber en terre pour donner du fruit, Ivan prit congé du père Vrbanek en ces termes : “Oui, j’en suis convaincu depuis longtemps : il faut sacrifier; je suis fini !”

       Vraiment, Ivan était spirituellement totalement prêt à se présenter devant la face Divine. La veille de son départ en clinique, il rangea toutes affaires et rédigea son testament. Il s’agit, en réalité, de son épitaphe, qu’il a écrit en latin, découvert après sa mort dans le tiroire de son bureau, dont le texte traduit est le suivant :

 

Mouru en paix dans la foi catholique.

La vie pour moi était le Christ, et la mort un gain.

J’attends la miséricorde du Seigneur et l’ indivisible

complète  éternelle possession du Très Saint Cœur de Jésus.

I.M. bienheureux dans le repos et la paix.

Mon âme atteindra le but pour lequel elle est créée.

Dans  Seigneur Dieu.

 

       De ce texte nous nous rendons compte comment Ivan va à la rencontre de la mort, à la rencontre de l’éternité avec la conscience tranquille, sans peur n’y incertitude, assuré qu’enfin il atteindra l’amour éternel auquel il a consacré toute sa jeune vie. Cette fin, solanelle, d’une vie magnifique, son dernier témoignage et la confession de sa profonde et sincère fois qui était la vocation de sa vie, Ivan l’a rempli consciencieusement.

 

Les derniers jours et passage dans la vie éternelle

       Ivan se fait opérer le 26 avril à la Clinique pour l’oreille le nez et la gorge, rue Draskovic à Zagreb (Aujourd’hui dans ce bâtiment ce trouve une école primaire qui depuis 1994 porte le nom “Dr. Ivan Merz”) malheureusement l’opération n’a pas réussi. Ivan a attrapé une méningite qui, progressivement, va le faire mourir. Le dimanche 6 mai son confesseur le père Vrbanek lui donne le sacrement des malades. Ivan était encore conscient, mais il ne pouvait plus parler. Le rituel fini, le confesseur, devinant ses pensées, lui a rappelé leur dernier entretien au sujet du sacrifice de la vie. “N’est-il pas que vous êtes en train de sacrifier votre  vie ?” Ivan l’a regardé sereinement, et ses yeux ont commencé à briller, et, comme il ne pouvait plus parler, il a donné, seulement, un signe affirmatif d’un mouvement de tête.

       Le 9 mai Ivan recevra un télégramme de Rome, de la part du Saint-Père, qui lui envoie sa bénédiction. Ivan, qui a tant aimé adorer le vicaire du Christ, a donc reçu cette rare consolation dans ses derniers instants. Il était en pleine conscience lorsqu’il pris connaissance de ce télégramme.

       Le lendemain, le jeudi 10 mai 1928, avant midi, en présence de son père et de ses amis les plus proches, Ivan est passé dans les joies éternelles du Royaume du Christ. Le docteur Kniewald, présent lors de sa mort, d’écrit ses dermiers moments ainsi : “La respiration  d’Ivan était de plus en plus lente, de plus en plus faible; il était étendu sereinement, les yeux fermés; à un moment, ses grands yeux s’ouvrent d’où tombe une larme de mort. Le regard dirigé loin vers le haut, tranquille, rassuré, confiant; encore un soupir, encore un tout petit tressaillement difficilement perceptible et le dr. Ivan Merz a rendu au Tout Puissant sa noble âme.”

       La nouvelle de son départ pour le vie éternelle, s’est répendu très rapidement dans Zagreb, et dans toute la Croatie. Le glas de la Cathédrale de Zagreb annonça même sa mort avant midi, ce qui est tout à fait exceptionnel dans la mesure ou seul le décé d’un évêque ou d’un chanoine a cet honneur. Ce geste nous démontre, à quel point, déjà à cette époque, comment l’Eglise respectait Ivan et son œuvre.

“Nous avons tous ressenti, à cet instant, non pas une catastrophe, mais, au contraire, que quelque chose de grand  venait de se passer,  le dr. Merz est décédé. Nous demeurions dans l’impression qu’Ivan avait  sacrifié sa vie pour une grande cause…” Disent ses amis.

       Il n’est pas besoin de rappeler la profonde douleur ressenti par les parents d’Ivan qui viennent de perdre leur fils unique, leur soutien dans la vieillesse. Les amis d’Ivan et ses collaborateurs seront profondément touchés, ainsi que toute la jeunesse de Croatie et de Bosnie pour qui, Ivan,  représentait le guide spirituel.

       Le Zagreb catholique dans son entier, s’est rassemblé le dimanche 13 mai au cimetière Mirogoj.  De nombreux délégués de différentes organisations catholiques, représentants toutes les régions de Croatie, étaient là. Il y avait de présents environ 5000 personnes. La cérémonie funéraire se déroule sous la conduite de l’évêque  dr. Premus. Zagreb n’a pas connu de cérémonie aussi grandiose depuis la mort de l’évêque Lang, compte tenus  du nombre important de participants et de la présence parmis eux de nombreuse personnalités.

       Le corps d’Ivan est accompagné au repos éternel dans une grande solennité extérieure, en dehors de la cérémonie officielle, avec de nombreux discours, de musique, de chant. Il été enterré au cimetière de Mirogoj, à Zagreb.

       En 1977, le corps d’Ivan est transporté à la Basilique du Sacrè-Cœur de Zagreb, où il priait et communiait régulièrement dans les six dernières années de sa vie.