LE COMBAT DU CORPS ET DE L’ESPRIT

 

Des les premières pages du journal d’Ivan nous pouvons suivre en son âme une double existence qui se trouve dans une tension incessante : d’un côté est présente son aspiration pour une perfection morale, pour les idéaux que présente la chrétienté. De l’autre côté apparaît un sentiment de sa faiblesse  pour  réaliser ces  idéaux.  Il ressent en soi même un déchirement comme saint Paul lorsqu’il parle de son être, de la loi de l’esprit et du corps qui guerroient l’un contre l’autre (Romains 7, 21 – 23). Cette période  va dans la vie d’Ivan  durer toutes les années de guerre et d’étude. La plupart de ses textes cités ici viennent de la période qui voit son mûrissement.

 

La foi catholique est pour nous une loi morale et juste qui nous ouvre un chemin immense afin que nous ne soyons pas en contradiction avec le bien.

 

Il n’est pas suffisant de croire. Notre foi doit être un système, un indicateur pour la vie, afin de ne pas agir contre le principe de la justice et de l’éternité .

 

« Aut catholicus aut nihil - catholique ou rien ». A cet égard, jamais je n’ai eu de doute, même le plus bénin.

 

Théoriser sur la chrétienté  et s’enthousiasmer pour le Seigneur Dieu, c’est facile lorsqu’Il ne nous demande rien, mais pratiquer le  catholicisme , cela doit  être mon but.

 

L’homme est très faible et sans l’aide  d’autrui il ne peut rien faire.

 

Notre corps est soumis à une loi  tout à fait différente de celle qui habite notre âme.

 

Ces derniers jours je me suis assez relâché. J’ai été nonchalant, mangé n’importe comment,  peu prié, nullement  souffert, me suis mis en colère, j’ai été avare et à cause de tout cela j’ai perdu la liaison avec Lui.

 

Les tentations m’assaillent terriblement, mais la prière m’élève. Dans le sacré des sacrés, en mon cœur, la foi est inébranlable.

 

La devise de l’homme droit être le travail en toute quiétude et l’éducation de soi-même.

 

L’homme doit être conscient à chaque  instant de sa dépendance de l’harmonie de l’univers.

 

Il nous faut entrer dans une lutte sanglante pour ne pas nous engloutir dans la banalité du monde.

 

Je voudrais être humble ! Fortement humble ! Détruire tout cet orgueil congénital  et humblement tendre vers la vérité, uniquement à cause de la vérité – d’elle même. 

 

Il  me faudrait prier Dieu davantage pour ne pas perdre cette liaison mystique avec Lui, pour Le sentir en chaque pensée, à chaque regard, à chaque tâche.

 

Il me faudrait quotidiennement,  ne serait-ce  q’une demi heure ,  lire l’Evangile, le méditer, puis à midi après la Salutation à Marie se représenter des choses transcendantales, et ainsi toute la journée, toute la vie passer dans cette lumière mystique, créant de son âme un chef-d’œuvre  et ainsi chercher la Vérité-Cause finale.

 

Ma vie intérieure, elle aussi,  est un combat éternel…Jamais de  paix, une force sans pitié me pousse vers le haut.

 

Pourquoi une si grande aspiration en moi vers la perfection de moi-même, vers le rapprochement avec Lui, le plus grand, pourquoi une force surnaturelle me parle –t-elle toujours : jeûne, ne mange pas trop,  soit un surhomme ?

 

J’ai vu une vingtaine de cadavres qui ont péri durant les dernières batailles…Voilà, c’est la vie…Ascétisme, l’observation de la vie et le travail uniquement en ce sens, sans aucune concession à « cette » terre, ceci est l’unique et vraie manière d’agir dans la vie.

 

Humilité, renoncement à soi même, silence et bonnes actions –  sont uniques et réels maintenant et après la mort.

 

Je tâcherai  à la sainteté, à l’union avec le Seigneur Dieu et je le prierai  pour qu’il me donne la force de résister dans le combat vital, la force créatrice.

 

Dans ce monde, nous vivons provisoirement, à l’instant même on n’est plus là, et cette vie n’a de sens  que si elle nous prépare pour l’autre.

 

Celui qui dit que le jeûne est une sottise, celui-là ne sait rien. Sans le jeûne, il n’y a pas de  véritable vie spirituelle, l’homme n’a alors pas d’autorité sur soi-même.

 

Mon Dieu, donne-moi une forte volonté, même si je suis nu et déchaussé ! L’essentiel est le  grand JE, la liberté de l’esprit qui n’a pas  peur, même de la mort, et tout le reste est sans importance.

 

Sainte  pauvreté ! Ne pas se soucier des délices sensuels ! Donner tout et aimer ardemment son prochain, quelle joie dans tout cela !

 

 

 VIE SPIRITUELLE

 

Réaliser l’idéal de la sainteté chrétienne n’est pas possible sans une intensive vie spirituelle  qui implique la prière dans toutes ses formes, l’accueil des sacrements de la sainte réconciliation et de la sainte communion, lecture de la sainte écriture et des autres livres spirituels. Ivan est entièrement conscient que cela est l’unique chemin de la montée sur le mont de la perfection chrétienne. Sérieusement, il utilise tous les moyens que l’Eglise et les maîtres de la spiritualité chrétienne  mettent à sa disposition afin de  réaliser son but – faire un chef-œuvre de son âme.

 

J’aime beaucoup le silence et le calme ; ainsi je peux  méditer, penser au mystère de l’Eucharistie, je peux prier longtemps…

 

C’est mieux de se blottir dans une petite église sombre, puis devant le tremblement de la lumière éternelle , pendant les dernières rayons du soleil, silencieusement prier le chapelet puis s’émerveiller éternellement de l’Eucharistie, de cette splendeur, de cette grandeur, de cet immense Amour.

 

Je ne trouve pas de mot pour exprimer comment le milieu religieux agit positivement sur l’homme.

 

L’église agit indiciblement profondément, là où s’exerce tant de fois et au même moment, auprès d’un éclat mystique de beaucoup de cierges,  ce mystère des mystères – la sainte messe.

 

L’humilité, la prière, la lecture spirituelle  et l’exercice de la volonté du bien sont quatre suppositions sans lesquelles chaque vie intérieure est exclue.

 

La cause finale de tous les hommes est leur sanctification; leur but est  de devenir semblable à la Parole incarnée – à notre Sauveur Jésus Christ.

 

La contemplation – la vie de l’âme en perpétuelle union avec Jésus, c’est la meilleure des vies.

 

Méditation régulière et conséquente est l’ unique moyen pour que l’homme ici-bas ne perde jamais l’équilibre et que , de jour en jour,  avec  le Christ il se réjouisse ou bien, joyeusement, souffre avec Lui.

 

Il y a en moi une flamme pour les hauteurs infinies, des ardeurs pour l’inaltérable embrassement du Fils, du Père et de l’Esprit.

 

L’humilité, la prière, la lecture spirituelle, l’exercice de la volonté du bien, la confession et la communion – tout cela ne sont que des moyens auxiliaires qui nous  amènent enfin jusqu’au  même  but :  l’introduction du Dieu dans notre âme. A ce moment là sera rempli cet immense vide dans notre âme, que seul peut remplir l’incommensurable Dieu.

 

L’homme qui veut vivre une pleine vie h u m a i n e  doit vivre la vie de  Grâce, la vie dans l’union de l’âme avec Dieu. C’est l’ unique et vraie vie humaine.

 

Avoir la Grâce sur la terre et la gloire au Ciel, c’est le but de tous les empressements humains.

 

Chacun de nous porte en soi le fondement d’une cathédrale qu’on doit construire : c’est le temple de l’Esprit Saint en nos âmes.

 

La meilleure enseignante  de la vie spirituelle est l’Eglise , qui outre son expérience de deux mille années agit sous l’influence de l’Esprit Saint !

 

Toute activité humaine doit tendre à faciliter à l’âme la plus profonde vie religieuse , la contemplation.

 

L’évangile est vraiment un livre magique, à chaque fois que nous le lisons, il nous semble lire un nouveau livre.

 

Deux sacrements – la sainte confession  et  la sainte Communion - sont  les sources  d’une continuelle et efficace réforme de la vie intérieure de chaque catholique.

 

Dieu veut guider les hommes par les hommes. Le confesseur reçoit de Dieu les grâces particulières pour nous montrer la volonté  Divine.

 

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L’état de l’âme d’Ivan, après  la fin de ses études et au début de son engagement public en 1923, nous démontrent  les réponses aux questions d’une enquête dont en voici une partie :

 

- Qu’est-ce que je prie le matin et le soir ?

  Le matin, méditation trois quart d’heures. Le soir : le chapelet, l’examen de conscience, préparation de la matière pour la méditation du lendemain.

 

- Quel bénéfice je tire de la sainte Confession ?

De vaincre plus facilement mes fautes.

 

-Combien de fois par an je reçois la saint Communion ?

Quotidiennement

 

 

-Qu’est ce que c’est la vie spirituelle ?

La méditation au sujet des choses Divines ;  la participation à la vie intérieure de Dieu, devenir Dieu en quelque sorte.

 

-La vie spirituelle est-elle nécessaire pour moi?

Oui. Sans elle je finirais d’exister. Sans elle c’est l’enfer.

 

-Ai-je  des doutes dans la foi ?

Non.

 

Quel est, selon ma pensée ou expérience, le moyen le plus sûr pour garder la chasteté de la vie ?

L’enthousiasme pour la sainte Eglise qui est fondé sur la connaissance  de la foi. La sainte Communion quotidienne, maîtrise du corps systématique (en nourriture, se lever du lit vite, gymnastique régulière,  au moins dix minutes par jour), puis ne pas rechercher la compagnie féminine.

 

 

 

A L’ECOLE  DE L’EXERCICE  SPIRITUEL

 

Les retraites spirituelles  représentaient pour la croissance de l’esprit et le rapprochement à l’idéal de la perfection chrétienne d’Ivan , un moyen particulier. Ivan les pratiquait régulièrement chaque année d’où nous sont parvenus ses notices précieuses qui  nous montrent comment il a gravi à grands pas les marches qui mènent vers la sainteté. Nous apportons ici seulement les plus importantes pensées de ses notices durant ses retraites.

 

Puisque le péché est le plus grand mal, en vérité le mal unique, car il nous prive de l’unique bien – de Dieu, il s’en suit qu’il faut mépriser le péché et lutter contre lui par tous les moyens.

 

Le péché est le motif  des  plus grandes catastrophes de l’humanité.

 

L’essentiel de chaque apostolat doit être la lutte contre le péché. C’est le cadre principal dans lequel entrent toutes les autres sortes d’apostolat.

 

Qui milite dans les rangs de l’Eglise  a seulement un ennemi – le péché. Tout le reste  sont des choses peu importantes dont il faut se servir pour contester le péché et favoriser le salut des âmes.

 

Tout ce qui m’est fait, tout ce qui  m’arrive, c’est comme  si cela venait de Dieu et rien ne doit donc troubler la paix de notre esprit.

 

Oh Jésus, comme il est doux de séjourner dans ton armée, servir sous ton drapeau.

 

Tout ce qui m’est cher, je l’oublie lorsque je me rappelle de Ta venue céleste et de Ta chère Mère. O Jésus, je me donne entièrement à Toi.

 

Je préfèrerais Te servir là où l’on médite continuellement sur Toi, là où l’on ne sert que Toi et  personne d’autre.

 

Ne pas avoir un autre Fiancé que Toi, mon Sauveur. Ne permets  jamais que je  te trahisse et donne moi la force  que par ma souffrance,  de tout mon cœur, je devienne de plus en plus semblable à Toi.

 

J’ai senti tout l’amour Divin qui se manifeste en ses immenses bienfaits, dans les bienfaisances du corps et de l’esprit  Lui-même est présent.

 

Le plus grand bienfait est celui où l’immense Dieu lui-même se donne à nous.

 

Dieu nous montre son immense amour surtout en nous donnant pour nourriture toute son immensité et incommensurabilité dans une petite Hostie.

 

Oh,  la surabondance de l’amour Divin qui gratifie l’être humain, si insignifiant et poussiéreux, par un cadeau inconcevable ! A Toi, pour l’offrande, je me donne moi-même.

 

La vie sans la croix, la vie confortable , devrait être pour moi une honte.

 

Exercer consciencieusement mes devoirs professionnels en les  considérant comme la croix de ma vie ; comme ma crucifixion  quotidienne,  qui apporte de la bénédiction dans l’œuvre du salut des âmes dans l’Action Catholique.

 

Pour ne pas freiner devant les difficultés et les efforts corporels, je ne me jugerais pas moi-même , je demanderai conseil à mon guide spirituel.

 

Sur mon lit de mort, je souhaiterais que partout où j’ai été,  je fus l’envoyé du Grand Roi, c’est à dire  toujours en la présence Divine,  conscient que la louange, l’honneur et le service Divin sont les uniques choses importantes, et que tout le reste est vanité.

 

MONTEE  VERS  LA  SAINTETE

 

La vraie vie chrétienne qu’Ivan menait avait pour but sa montée vers la perfection chrétienne, vers l’idéal de la vie que nous a  montré  le Christ Seigneur. La croissance en sainteté implique un effort, la lutte contre le  péché, contre les mauvaises tendances, contre l’égoïsme enraciné en nous, et l’empressement pour l’acquisition des valeurs et des vertus chrétiennes. La tradition chrétienne a exprimé cette croissance vers la sainteté en trois degrés : le chemin de la purification (du péché et de l’imperfection), le chemin de l’illumination (l’acquisition des vertus dans l’école des conseils  évangéliques) et le chemin de l’union (l’union avec Dieu en contemplation et en mystique). Par son journal  et ses autres écrits  nous pouvons suivre de très près,  à travers les trois chemins cités, l’élévation vers la sainteté d’Ivan.

 

Comme je suis loin de la perfection ! La boue, la sale boue est encore accrochée à moi. Il me faudra encore beaucoup de travail pour la nettoyer.

 

Nous devons consacrer toute notre attention  à l’éducation de nous même et à l’étude du catholicisme,  que  malheureusement nous ne connaissons même pas un peu mieux qu’un élève de l’école primaire.

 

La lutte pour la perfection, l’ascèse, doit être notre pain quotidien. Elle nous ouvre des horizons intérieurs, crée de nous des êtres altruistes, soutient en nous le combat contre le mal, et nous donne la force de ne pas succomber.

 

Tout doit favoriser l’aspiration de l’âme humaine pour sa perfection.

 

 

L’humiliation, l’humble soumission à la Volonté de Dieu est le fondement de toutes les autres vertus ; sur celle-ci  doit se baser l’édifice de notre vie intérieure.

 

Les vies des saints sont des hauteurs escarpées semblables aux montagnes des Alpes où l’air est pur et d’où s’observe l’humanité  sous une autre perspective.

 

Seulement dans la gloire céleste – dans le Cœur de Jésus –  l’arbre de notre vie intérieure , qui a commencé à germer ici sur terre, atteindra sa grandeur entière et  sa pleine floraison.

 

C’est seulement au ciel que notre âme deviendra un reflet du très saint, éternel, trinitaire , divin Soleil.

 

Dans son zèle à atteindre la perfection chrétienne Ivan a pris des décisions pour son perfectionnement moral qu’il  appliquera dans la vie quotidienne. Parfois il les appelle les directives pour la vie, parfois les règles de la vie ou tout simplement les décisions. Il nous est parvenu quelques rédactions de ses décisions qu’il a faites dans de singulières étapes de sa vie : fin de la guerre, période de ses études et ensuite sa vie à Zagreb à l’âge adulte. Ces décisions sont un précieux témoignage qui nous montre avec quelle gravité il a travaillé à l’éducation de soi-même, à l’acquisition des valeurs chrétiennes, étant disposé à répondre aux impulsions de la grâce Divine. Nous publions ici seulement un choix restreint  des ces différents groupes de décisions.

 

J’essayerai humblement de faire la volonté de Dieu pour ne pas être trop avide de connaissance.

 

Je ne dois pas oublier la maîtrise du corps.  Dormir sur une couche bien dure, se lever tôt,  parfois jeûner sévèrement.

 

Egalement, et c’est très important, le soin de la santé et de la beauté corporelle. La nouvelle génération doit être bien portante, gaie et belle.

 

Ne jamais oublier  Dieu ! Sans cesse  aspirer à l’union avec Lui.

 

Chaque jour – de préférence  l’aube – utiliser une heure uniquement pour la réflexion et la prière, si cela est possible à proximité de l’Eucharistie ou à la sainte messe. Cette heure doit être une source pour la journée.

 

Après la guerre  je dois commencer une vie nouvelle et régénérée, une vie dans l’esprit du catholicisme reconnu.

 

Faire de la gymnastique chaque jour quelque soient les circonstances .

 

Offrir aux pauvres le surplus de mes biens.

 

Prier Dieu pleinement au moins une fois par jour.

 

Aller vers les situations désagréables.

 

Aller pendant la nuit la plus obscure dans des lieux dangereux, vaincre la peur, fortifier la foi.

 

Accepter l’humiliation avec joie.

 

Rester en contact le plus étroit avec la vie.

 

Avant chaque prière se rappeler de la méditation matinale.

 

Petit secret : Jésus, je désire, par Marie, t’aimer chaque jour de plus en plus.

 

Comme  pénitence, accomplir le  plus parfaitement mes devoirs professionnels.

 

Communier chaque jour  et si possible  visiter le Très Saint Sacrement de l’Autel. 

 

Une fois par mois, durant 24 heures  ne rien manger ni boire.

 

A chaque repas faire un sacrifice pour le salut des âmes.

 

Qui vit selon les règles, vit à Dieu. Pour cela, sans raisons importantes,  ne pas changer ses décisions.

 

Si il y a assez de nourriture, prendre moins de gâteaux.

 

Ne jamais faire de reproche au sujet de la nourriture.

 

Le matin au lever, durant la toilette, en chemin vers l’église, penser à la sainte Eucharistie.